Portraits de seniors. Marie-Claire PALUD, à la bonne franquette ! Quimper

Originaire du Cap Sizun, Marie-Claire a un caractère bien trempé, et une énergie aussi bouillonnante que sa générosité. Vivre à Kermoysan n’était pas un choix, au départ. Mais 45 ans plus tard, elle avoue avoir, comme ses enfants, grandi avec son quartier. De tous les projets, toutes les animations, elle s’engage pleinement « pour faire sa fête » à la solitude des habitant.es.

Nom : PALUD

Prénom : Marie-Claire

Âge : 67 ans

Signes distinctifs : Je suis Capiste, originaire de la Pointe du Raz. J’ai un accent fort, tout comme mon caractère ! J’ai une grande gueule et je parle fort. Je suis très bonne vivante, toujours la première à m’amuser.

Engagements et projets : J’aime rendre service. Depuis 45 ans, je m’investis dans les associations de parents d’élèves, au service prévention, à la Maison pour tous. Je suis aussi au conseil d’administration.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis originaire du Cap Sizun. Avec mes 8 frères et sœurs, nous avons été élevés dans une ferme. On allait peu à l’école, on était pris par les travaux de la ferme. Je suis malheureusement pupille de l’État. J’ai perdu ma maman à l’âge de 15 ans. J’ai été placée en famille d’accueil avec certains de mes frères et sœurs. Je suis arrivée à Quimper pour faire mes études, au lycée Chaptal en tant que couturière. Après trois années d’apprentissage, j’ai travaillé chez Armor-lux, pendant 10 ans. Ce qui m’a fait arriver sur le quartier de Kermoysan, ce sont des problèmes de logement. Nous étions en location et la propriétaire vendait sa maison. Il a fallu déménager. Nous sommes arrivés le 5 décembre 1977 dans une tour de 14 étages, au 7e. Cela fait 45 ans que je suis ancrée dans mon appartement. Quand je suis arrivée ici, mon aîné avait 2 ans, l’autre 4 mois et ma fille est née ici. Ils ont été à l’école, au lycée, au collège, sauf mon fils aîné qui malheureusement a un handicap. Il a dû aller dans des institutions, mais maintenant, il est avec nous et il travaille. J’ai trois enfants et trois petits-enfants.


Quelle vision avez-vous de votre quartier et de son évolution au cours des années ?

Le quartier, au départ, on n’en voulait pas. Kermoysan était réputé comme très difficile. Pour rien au monde je ne voulais venir ici, mais je n’avais pas le choix. Cela fait 45 ans que je suis là. Mes enfants ont grandi ici et d’ailleurs, moi aussi j’ai grandi ! Mon mari travaillait très tôt le matin. Pendant 45 ans de notre vie, on s’est levé à 4 heures du matin pour aller bosser, parce qu’on n’avait pas le choix. Avec mes enfants, je voulais apprendre à découvrir le quartier. On a de la chance, nous avons beaucoup de verdure. À l’origine ici ce n’était qu’un seul bois. Maintenant, il y a le bois de Kermoysan, de Kergestin, le bois d’amour, de Cornouaille… À partir des années 1990, la réhabilitation des appartements a fait du bien aux vieux bâtiments. Il y a du privatif et du locatif. Ils ont démoli une dizaine de bâtiments. Beaucoup de gens ont déménagé. Cela n’a pas été fait en l’air, il y a eu des réunions avec l’Opac. Mais beaucoup de voisins se sont perdus de vue. On arrive à garder contact avec certains.

« Pour rien au monde je ne voulais venir ici, mais je n’avais pas le choix. Cela fait 45 ans que je suis là. Mes enfants ont grandi ici et d’ailleurs, moi aussi j’ai grandi ! »


Comment vous situez-vous dans le quartier ?

Je me suis d’abord investie dans les associations de parents d’élèves. Et le mercredi, il n’était pas question que mes enfants restent assis à regarder la télé. J’étais décidée à leur faire découvrir autre chose. On m’a parlé des activités du service de prévention. Au départ, je déposais les enfants et retournais à la maison. Mais j’ai commencé à m’ennuyer moi-même ! Je suis très manuelle, j’aime fabriquer, transformer des choses. C’est comme cela que j’ai commencé à faire du bénévolat dans le quartier. Depuis, j’y suis et tant que ma santé me le permettra, je continuerai. Nous sommes une bonne équipe de bénévoles. On a eu jusqu’à 1200 adhérents. On a commencé à faire les premières sorties familiales avec le Centre social. On a loué des cars, pour aller à la plage, puis les repas, les weekends, beaucoup de choses se sont enchaînées. On a fini par fusionner nos activités entre le Centre social et la Maison pour tous. Nous avons demandé une salle pour organiser le café-rencontre. On a aussi créé un jardin collectif. Le grand temps fort ici, c’est la fête de quartier depuis 1988. C’est devenu un festival de 5 jours qui s’appelle la « Rue est vers l’art » (Reva). C’est d’une convivialité !

« Ici, on fait le tour du monde sans bouger de chez soi. »

Il y a énormément de populations étrangères. Les premiers arrivés sont les Espagnols et les Portugais, pour construire les bâtiments. Ils sont restés et sont retraités, maintenant. Puis les Maghrébins sont venus, les Turcs, les Asiatiques, et beaucoup de réfugiés politiques du Mali, du Congo. Nous n’avions pas pu organiser cette fête depuis 3 ans et cette année, nous étions plus de 5 000 personnes. C’était rempli ! J’adore ! Il y a de grands concerts de rap, les jeunes viennent de partout. On inclut toujours les jeunes pour faire la sécurité, comme cela ils sont aussi responsables de leur quartier. Ici, on est partant pour organiser beaucoup de choses.


Quel serait votre rêve pour vous et votre quartier ?

« Il faut transmettre. Même si ce n’est pas grand-chose. »

Je me bats beaucoup pour les personnes qui sont seules. Un jour, on m’a dit qu’il y avait 65 % de solitude sur le quartier. J’ai fait un tour complet sur moi-même en me demandant : « Où sont ces gens ? ». Dans mon bâtiment et je me suis rendue compte que la moitié était occupée par des gens seuls : des jeunes qui n’ont pas trouvé l’âme sœur, ou qui sont séparés, ou qui ont perdu leurs parents ou dont le métier qui les a amenés ici. Il y a les personnes âgées, veuves, malades. C’est comme cela qu’on a eu l’idée d’organiser des repas sur le quartier. De 10, 20, 30 personnes, nous sommes arrivés à 90. Je rêve de faire sortir les gens de chez eux, créer des rencontres, à la bonne franquette. Il y a encore un petit peu de travail à faire, mais cela a bien amélioré les choses.

J’ai parfois du mal à parler avec les jeunes du quartier. Je leur souhaite de réussir dans la vie. Avec mon diplôme de mère de famille, j’ai essayé de transmettre des choses à mes enfants et ceux que j’avais en animation. On leur a inculqué le respect des choses, le respect d’eux-mêmes, de la nature. Je vois des jeunes qui sont maintenant parents… Ils se souviennent quand ils étaient au service de prévention et me disent : « Qu’est-ce que vous avez pu nous crier dessus ! » Résultat des courses ? Ils sont fiers de ce qu’ils sont devenus. En tant qu’animatrices, on a bien réussi. Il faut transmettre. Même si ce n’est pas grand-chose.

Propos recueillis par Marie Fidel

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