Portraits de femmes : Mélissa Motte, habitante et animatrice militante à Lorient

Mélissa, exploratrice d’espaces pour les filles

Nom : MOTTE
Prénom : Mélissa
Age : 23 ans

Quartier : Bois-du-Château, Lorient
Signes distinctifs : Jeune militante bretonne. Se bat pour des actions de mixité dans la vie quotidienne. Croit profondément au partage et à l’enrichissement collectif.
Engagements : Pour l’égalité fille – garçon à travers les projets « où sont les filles ? », le conseil citoyen du quartier Bois du Château et son travail d’animatrice à la maison de quartier de Kervénanec à Lorient.

 

L’histoire commence dans le quartier Bois-du-Château, à Lorient. Mélissa est adolescente et n’ose plus franchir les portes de la maison du quartier. Où sont les filles ? Cette question a forgé son engagement sur l’égalité et la mixité.

 

« Les filles se sont rendues compte qu’elles s’interdisaient l’ensemble des espaces, qu’elles restaient souvent dans les coins. »

 

 

Pouvez-vous vous présenter ainsi que votre quartier ?

« J’ai grandi dans le quartier. Je suis arrivée à Bois-du-Château à dix ans. C’était un quartier à l’esprit village. Tout le monde se connaissait. On n’avait pas peur d’aller vers l’autre. Jusqu’à mes treize ans, je traînais en bas du quartier avec mes copines. Les animateurs venaient jusqu’à nous, au pied des immeubles. C’était enrichissant. On ne s’en rendait pas compte, mais on trouvait cela intimidant d’entrer dans la maison de quartier. On déambulait avec les animateurs. On était visibles dans le quartier. Il y avait un échange. Filles, garçons, on participait tous. Je me souviens d’une grande fresque que nous avions peinte sur les murs (voir photo ci-dessus). Après l’école, on jouait beaucoup à l’aire de jeux. J’emmenais mon très jeune frère. J’étais beaucoup impliquée dans l’animation du quartier. Puis j’ai arrêté de fréquenter le quartier. Quand on sortait, c’était en ville. Les animateurs étaient moins visibles. Ils ne venaient plus nous chercher. Les jeunes ne se fréquentaient plus. On avait moins envie, c’est une façon de grandir. Les filles se bloquaient, les garçons se bloquaient, les parents aussi pour des raisons de culture. Petit à petit, chacun s’est isolé. »

 

Quand avez-vous commencé à donner du temps pour votre quartier ?
Quel a été le déclic ?

« C’est en grandissant. J’ai élaboré un nouveau plan pour l’aire de jeux et je l’ai donné aux élus pour la rendre accessible à tous. L’animation m’attirait, je me suis formée. J’ai démarré au local jeune de la maison de quartier de Bois-du-Château. Je voulais permettre aux adolescentes de le fréquenter, moi qui n’osais pas à leur âge. J’ai commencé à m’investir sur les questions d’appropriation de l’espace public par les filles. J’ai été bénévole à la Ligue de l’enseignement, puis en service civique. Nous partagions le même constat : les filles n’étaient pas visibles dans le quartier. On est allées les rencontrer directement au collège. Ça s’est super bien passé, elles ont parlé librement. En utilisant une cartographie genrée, les filles se sont rendu compte qu’elles s’interdisaient l’ensemble des espaces, qu’elles restaient souvent dans les coins. On leur a proposé d’être visibles. On les a photographiées. On les a encouragées à se retrouver au local jeune, à prendre confiance en elles. Elles n’osaient pas investir ce lieu, car il y a beaucoup de garçons. Finalement, elles se sont approprié une salle, qu’elles ont customisée. On peut y lire : “Où sont les filles ? Là ”, car maintenant elles sont présentes. Un webdocumentaire est né de ce travail. Et un nouveau projet : “Où sont les filles ? En mer”.

 

« On perd tellement de richesse en restant chacun de notre côté. »

 

 

Pensez-vous qu’être une femme change la donne lorsqu’on s’engage sur un territoire ?
Le regard est-il différent ? Faire entendre sa voix est-il plus difficile ?

Oui. C’est plus compliqué. Ce qui m’a aidé, c’est d’être référente au conseil citoyen du quartier. Aujourd’hui, je m’autorise à m’investir dans la vie politique. Je donne ma vision des choses sur la jeunesse et la tranquillité publique. Je veux montrer l’exemple. Je suis partie de rien, j’ai grandi dans un quartier, mais
cela ne m’a pas empêché d’évoluer. Je veux aller chercher les jeunes et leur montrer qu’ils sont capables, riches de leurs savoirs et savoir-faire. Quand ils auront compris ça, on changera l’image du quartier. L’enjeu, c’est d’être visible et de montrer que l’on peut faire ensemble. Quand les filles se sont approprié le local, elles ont fait beaucoup d’activités bien-être. Elles avaient préparé des cosmétiques naturels. Curieux, les garçons ont demandé s’ils pouvaient venir. On les a accueillis. On a pris un temps pour nous occuper d’eux. C’était enrichissant, c’est à cela qu’on voulait arriver. Les garçons ne comprenaient pourquoi les filles ne venaient pas, que leur nombre pouvait être intimidant. À partir de là, les animateurs ont vu la mixité s’installer. La femme a sa place, nous sommes complémentaires. On perd tellement de richesse en restant chacun de notre côté. On perd quelque chose d’intense. Je suis convaincue que le quartier a un fort potentiel pour tous.

Propos recueillis par Marie Fidel

 

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