Portraits de jeunes. Tristan LE GUEN, électron libre | Concarneau

Habitant et médiateur numérique de Konk Ar Lab — Quartier Kerandon

Souriant, fier et franc, Tristan Le Guen nous accueille au Fab Lab de Concarneau où il travaille comme médiateur numérique. C’est avec assurance et lucidité qu’il raconte où il en est aujourd’hui, assumant ses « combats internes » passés et le jeune homme mature qu’il est devenu. Conscient des enjeux mondiaux de sa génération, Tristan préfère rester centré sur ses objectifs, bien déterminé à « rattraper le temps perdu ». Sans nuance de gris, voici son portrait.

Nom : LE GUEN

Prénom : Tristan

Âge : 24 ans.

Signes distinctifs : Le mental. Je ne lâche jamais et je ne lâcherai jamais.

Engagements et projets : J’aimerais me former et travailler dans le son, continuer à écrire ma musique, et aider des jeunes dans des productions d’album ou autre.

« Je n’ai pas toute la théorie du collège, du lycée, mais j’ai le terrain, j’ai le vécu, j’ai les épaules. Le mental. »

Présentation : Peux-tu nous raconter ton histoire, l’endroit où tu as grandi, où tu habites ?

Je suis né à Brest, j’y ai vécu 11 ans avec mes parents. Il y a eu une séparation, j’ai suivi ma mère à Concarneau. Je rentrais au collège à ce moment-là. On est arrivés direct dans l’ancienne maison de mes grands-parents. La même année, ma grand-mère est décédée. On s’est retrouvés à Kerandon. C’est triste à dire, mais dégradation psychologique… Passer du stade maison avec jardin à appart… Ça a été dur de se dire qu’on n’avait pas d’argent. C’est toujours une vérité qui fait mal. J’avais honte de dire que j’habitais là. Maintenant, j’assume ça. J’ai toujours été différent des autres enfants de mon quartier, car je n’habitais pas à Kerandon à la base. J’ai eu une vie complètement différente avant celle-là et je n’avais donc pas du tout la même façon de penser que les autres… Ensuite, ça n’a été que de la galère. Les cours, ce n’était pas pour moi. J’ai essayé l’armée, cela n’a pas fonctionné. J’ai fait des métiers dégradants, comme valet de chambre. Ce que j’entends par là, c’est que malgré que ce soit des métiers essentiels, ils ne valoriseront jamais l’humain et son travail. Dans 90 % des cas, il ne sera jamais remercié. Un jour, j’ai fait un service civique à Konkar Lab. Le directeur, Olivier Audet m’a donné ma chance en me proposant le poste de médiateur numérique. Une vraie rencontre. Il vient du même milieu que moi. Je serai toujours redevable envers cette personne, car je ne me sentais pas légitime. Je me suis donné à 300 %. Et ça fait ce que je suis aujourd’hui, un homme fier, motivé, avec mes défauts également !

«  Ce combat interne de cinq années m’a permis d’évoluer considérablement. »

Projets et engagements : Quels sont tes projets personnels et professionnels, tes engagements ?

Actuellement je suis FabManager. C’est un métier qui me plaît, mais je ne sais pas encore si je souhaite continuer. En tout cas, si je ne continue pas, j’aimerais partir en étude de musique au CFPM ou dans un autre organisme. Je suis auteur-interprète et un peu compositeur, mais beaucoup moins… Je n’ai pas forcément envie de réussir là-dedans, d’être une star. J’aimerais juste être ingénieur du son, avoir mon studio d’enregistrement et aider des jeunes dans des productions d’album ou autre. J’ai commencé quand je me suis fait renvoyer du Lycée. Ça a été compliqué à gérer, de me retrouver isolé… Pendant cinq ans, sans faire d’études. Je me suis affronté moi-même. Au final, pour éviter de vriller, j’ai ressenti le besoin d’écrire sur le papier. C’est comme ça que j’ai commencé. Quand je me relis, après plusieurs années, avec du recul et de la maturité, je me rends compte que j’étais une personne très malheureuse. Non pas que je ne le savais pas, mais de relire ce qu’on a écrit il y a 5 ans, c’est comme se parler à soi-même dans le temps. C’est une sensation très étrange. Aujourd’hui j’en rigole parce que j’ai envie de dire au moi du passé : « Sois patient, mec. Continue de charbonner ça va venir, lâche pas. » Ce combat interne de cinq années m’a permis d’évoluer considérablement. Je n’ai pas toute la théorie du collège, du lycée, mais j’ai le terrain, j’ai le vécu, j’ai les épaules. Le mental. Aujourd’hui, à l’instant T, je suis vraiment fier de moi.

Sur l’engagement, je me définis comme l’idiot ou le flemmard conscient. Je suis conscient de tout ce qui nous entoure : le recyclage, la pollution, l’obsolescence programmée… Toute cette prise de conscience mondiale sur l’écologie. Mais je suis arrivé à un stade de ma vie où je suis devenu très égoïste, parce j’ai trimé. Ce n’est pas ma faute si on en est là aujourd’hui, si tout flanche. Ce ne sera pas grâce à moi si ça change non plus. Je suis juste de passage sur la planète. Je ne me sens pas concerné. C’est un peu bête, car je suis totalement concerné, j’utilise la planète, ses ressources, mais j’ai trop de retard à rattraper, de par mon passé.

Être jeune en 2021 : Pour toi, qu’est-ce que ça veut dire d’être jeune en 2021 ? Comment as-tu vécu le confinement et les restrictions actuelles liées à la situation sanitaire ?

Nous n’avons pas les mêmes responsabilités que les autres générations. Beaucoup de jeunes sont dans l’écologie, je trouve ça bien, mais je me demande si ce n’est pas dû à une prise de conscience forcée. Toute cette pression est mise par l’ancienne génération : « vous ne suivez pas le bon chemin ». Ce n’est pas si facile que ça d’être jeune actuellement, d’autant plus avec la COVID. Non pas que ça ne l’était pas à l’époque, mais ce sont deux mondes complètement différents et je parle de ce que je connais, ce que je vois, je ne connais pas le passé. Moi ça m’a flingué deux ans de ma vie sur la vingtaine alors que ce sont les plus belles logiquement. On nous a laissé un monde tel quel, la terre va manquer de ci, de ça, il va falloir trouver des solutions. C’est aux jeunes de les trouver parce qu’ils sont l’avenir…

« Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles et s’étonner après que l’on devienne égoïste. »

As-tu un rêve, une raison d’espérer pour toi/pour ton quartier et ses habitant·e·s ?

J’en ai plusieurs, mais finalement ils sont tous reliés à une chose, l’argent. Les gens qui disent que l’argent ne fait pas le bonheur, c’est faux. Je rêve d’avoir une situation stable financière pour sortir ma mère de cette cité. Désolé pour les gens qui y habitent et qui l’aiment bien. Je peux le comprendre, car le fait que les gens soient rassemblés et partagent les mêmes problèmes… Il y a cette cohésion malgré nous qui se crée. Les gens sont très familiers, soudés. Donc je peux comprendre qu’ils aiment bien habiter ici. Mais quand je vois l’état de l’appartement, ce n’est pas possible…

Dans les quartiers, je pense qu’il faudrait essayer de venir sur le terrain, de comprendre les jeunes. Arrêter de proposer des solutions inadaptées sans voir le fond du problème, de ne repeindre que les façades. C’est comme se réjouir de voir qu’un arbre a poussé sans regarder la racine. Le fond du problème, c’est que les habitations ne sont vraiment pas décentes. C’est énervant de voir que les gens veulent s’impliquer tout en étant le plus loin possible. Il faut arrêter de nous prendre pour des imbéciles et s’étonner après que l’on devienne égoïste. C’est ça qui me révolte. Je ne veux pas que ma mère galère jusqu’à la fin de ses jours. C’est pour cela que je ne prends pas le temps de m’engager sur l’écologie. J’ai mes problèmes à gérer. Même si ce sont des petits problèmes à l’échelle de la terre.

Propos recueillis par Marie Fidel

 

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