Étude. Rénovation urbaine, diversification du logement et mixité sociale ?

Rénovation urbaine, diversification du logement et mixité sociale ? Une étude de la nouvelle offre de logements non-sociaux issue de la rénovation urbaine à Malakoff (Nantes), Kervénanec (Lorient) et les Sablons (Le Mans).

Par Amélie Alexis & Maximilien Steindorsson avec l’aide des étudiants du Master 1 AUDIT (Université Rennes 2)

 

 

 

Cet article est un point d’étape dans les enquêtes que nous conduisons auprès des habitants de ces trois quartiers et sera amené à être perfectionné, précisé à mesure de l’évolution de ce travail par d’autres publications. Bonne lecture.

 

Dans une approche franche et voulue efficace, la politique de rénovation urbaine aura marqué nombre de territoires par la conduite de changements souvent intenses dans les quartiers politique de la ville concernés. Au-delà de l’ambition très conséquente derrière le triptyque démolition-réhabilitation-reconstruction, l’un des aspects les plus intéressants de ces programmes a été d’expérimenter une diversification de l’offre de logements au sein de ces quartiers notamment par la production d’une nouvelle offre non-sociale de logements.

 

Figure 1 : issu du rapport 2016 de l’ONPV, ce graphique met en évidence les estimations de démolition et de production de logements dans le cadre du PNRU.

Ces réalisations immobilières devaient porter, en partie l’ambition de mixité sociale de la loi Borloo (ONPV, 2016). Souvent initiée par la Foncière Logement, la production de ce nouveau parc de logements a souvent été en deçà des attentes initiales en volume de production se confrontant à des réalités immobilières ou politiques locales. Ce constat recouvre des situations très contrastées entre des territoires où cet objectif de diversification a été porté et partagé politiquement localement, et entre des territoires où pour des raisons politiques, économiques ou territoriales, les ambitions ont été minimales voire nulles en la matière.

Au-delà de ce constat, cette nouvelle offre résidentielle non-sociale produite s’inscrit spatialement et socialement dans des quartiers initialement évités, craints voire fuis dès lors qu’un ménage peut exercer un choix. Par conséquent, elle interroge les questions d’attractivité résidentielle et de diversification/mixité sociale. Pourquoi vient-on habiter voire acheter dans ces quartiers ? La nouvelle population est-elle vectrice de diversification sociale ? Qu’est-ce que les relations et le rapport de ces nouveaux habitants au quartier disent de ces espaces urbains et de l’objectif de mixité sociale ?

Une première étude des habitants de la nouvelle offre alors juste sortie de terre (Lelévrier, 2014)

Dès 2010, la sociologue Christine Lelévrier a réalisé des enquêtes auprès des habitants de cette nouvelle offre tout juste livrée sur trois quartiers différents (la Duchère à Lyon ; Beauval et la Pierre-Collinet à Meaux et le plateau à Dreux). Dans ce travail elle décrit la nouvelle offre et les populations qui s’y sont installées de la façon suivante :

  • Les ménages qui occupent cette nouvelle offre sont plutôt jeunes (une grande majorité sous les 45 ans), qui se sentent appartenir à « une petite classe » moyenne mais qui sont caractérisés par une surreprésentation des cadres et professions intermédiaires par rapport au quartier.
  •  L’arrivée de ces ménages dans ces quartiers est généralement la source d’une amélioration de leur situation résidentielle et viennent de provenances géographiques et résidentielles diversifiées.
  • Malgré la mauvaise réputation de ces quartiers, la quantité et la qualité des équipements et des services présents dans ces quartiers, l’adhésion au projet de mixité, ainsi que la croyance au changement sont des éléments qui semblent importants pour le maintien de ces nouveaux habitants.
  • Des rapports au quartier marqués par une mise à distance, une mise en opposition du « quartier » par rapport à la résidence. Une partie des résidents vient nuancer cette observation avec un rapport que Christine Lelévrier qualifie d’empathique voire d’investi pour certains.

Au-delà de ces descriptions, Christine Lelévrier soulève quelques enjeux liés à cette nouvelle offre. D’une part, elle alerte sur la potentialité d’une mobilité importante des ménages (la jeunesse des ménages favorise une mobilité accrue pour des raisons familiales ou professionnelles) et le risque d’un changement trop important voire d’une paupérisation des profils des occupants. Si elle note une baisse des tensions entre les jeunes des quartiers et les résidences, elle insiste sur la fragmentation socio-spatiale que produisent ces résidences qui entretiennent peu ou pas de relations avec le quartier, peu ou pas de lien avec les habitants « historiques » du quartier.

 

Une dizaine d’années après le travail de Christine Lelévrier, les résidences ont vieilli, se sont fondues voire intégrées dans le paysage et ont souvent été accompagnées par des nouveaux programmes de logements non-sociaux. Dans cet article, nous proposerons un regard actualisé sur ces résidences non-sociales produites suite à la rénovation urbaine en présentant les résultats d’une enquête conduite auprès de leurs habitants. Nous nous demanderons comment la présence de ces résidences et de leurs habitants interroge l’objectif de mixité sociale adossé aux projets de rénovation urbaine.

 

Méthodologie et terrains d’enquête

Les enquêtes sur lesquelles nous nous appuyons dans cet article ont été déployées dans le cadre d’un travail de thèse. Avec le concours d’un atelier étudiant, nous avons réalisé, au printemps 2021, 146 questionnaires auprès des habitants de la nouvelle offre de logements de Malakoff (80), de Kervénanec (33) et des Sablons (33).

Ces questionnaires réalisés en binôme, en porte-à-porte et généralement entre 18h et 20h sont composés presque uniquement de questions ouvertes permettant de récolter le discours des habitants de façon précise. Les questionnaires durent en fonction des participants entre 15 min et 45 min.

Cette enquête se déroulant dans le cadre d’une thèse est toujours en cours et nous vous proposons dans cet article un point d’étape. L’objectif étant d’enquêter 30% des habitants de la nouvelle offre de logements non-sociaux, les écarts en termes de nombre de personnes enquêtés persisteront (91 enquêtes minimum ciblées à Malakoff, 36 à Lorient et 37 au Mans)

 

Cet article propose un double niveau de lecture. Vous trouverez ici une synthèse des résultats de cette enquête reprenant les principales observations, dynamiques et conclusions. Afin de comprendre ces résultats, nous vous proposons de découvrir les trois parties qui développent l’analyse de ces nouvelles résidences sous le prisme de la mixité sociale dans ces quartiers rénovés.

Vous pourrez également retrouver l’article en intégralité pour le télécharger ici : [lien vers l’article complet à télécharger]

 

 

 

Partie 1.  De quelle diversification parle-t-on ?

L’étude que nous proposons se base sur trois quartiers politique de la ville – Malakoff à Nantes, Kervénanec à Lorient et les Sablons au Mans – ayant connu une rénovation urbaine et qui ont mis en place de façon différente cet objectif de diversification de l’offre de logements. Ces quartiers permettent de présenter trois contextes socio-urbains différents et trois approches de la diversification résidentielle.

Quel est le contexte socio-urbain de ces quartiers ? Quelles intentions et ambitions locales derrières ces programmes de rénovation urbaine ? Comment ont été conduits et réalisés les objectifs de diversification de ces trois quartiers ? Comment caractériser cette nouvelle offre de logements non-sociaux ?

 

 

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Partie 2.  Les nouvelles résidences sont-elles vectrices de mixité ?

Éclairage par les caractéristiques sociodémographiques et les trajectoires résidentielles.

La nouvelle offre de logement non-sociaux en permettant de diversifier les formes urbaines de ces quartiers de grands ensemble devait également permettre d’attirer et d’accueillir une population aux profils différents. En analysant la composition de cette population et les raisons qui l’ont poussé à venir s’installer dans ces trois quartiers, peut-on dire qu’elle participe à la perspective d’une mixité sociale ?

En savoir plus sur la partie 2

 

 

 

 

 

Partie 3.  Des quartiers évités ?

Rapport habité et représentations au quartier. Relations quartier- « nouveaux habitants »

Plus que de mixité sociale, c’est bien de mixité socio-spatiale dont il s’agit lorsque l’on parle de la diversification de l’offre logements associée à la rénovation urbaine (Baudin, 2001). Cependant, comme montré par l’étude désormais classique de Chamboredon et Lemaire (1970), proximité spatiale ne signifie pas proximité sociale. Par conséquent, lorsque l’on cherche à interroger la participation de ce nouveau parc de logements à la mixité de ces quartiers il apparaît incontournable de questionner le rapport et les relations qu’entretiennent ces habitants avec le quartier « historique ». En effet, le niveau de relation et d’intégration de ces nouveaux habitants avec le quartier est intéressant à saisir puisqu’il peut modifier profondément les lieux du quartier (Steindorsson et al., 2021) et parce qu’il participe à la compréhension de l’image et des réputations de ces espaces rénovés.

Quel rapport entretiennent-ils vis-à-vis du quartier, de ses caractéristiques, de ses normes parfois différentes voire éloignées des contextes résidentiels éprouvés par ces habitants ? Comment ces différences sont-elles appréhendées, sont-elles dépassées, sont-elles renforcées ? Quel est le niveau de satisfaction de ces habitants ? La durée de présence résidentielle est-elle un indicateur d’ancrage dans le quartier ? Comment ces rapports permettent de nourrir et renseigner les représentations de ces quartiers rénovés et de la mixité sociale recherchée ?

En savoir plus sur la partie 3

 

 

Conclusion.  Alors, nouvelles résidences, nouveaux habitants, nouvelle mixité ?

L’ANRU à travers le programme de rénovation urbaine ambitionnait de faire de la diversification de l’habitat un outil central afin d’atteindre un objectif de mixité sociale mis en avant par la loi Borloo.

Cet effort de diversification s’est réalisé dans des proportions et à des intensités très hétérogènes d’un territoire à l’autre. D’une certaine façon Malakoff à Nantes, Kervénanec à Lorient et les Sablons au Mans reflètent en partie cette hétérogénéité avec une production de logements non-sociaux sensiblement différente entre les trois quartiers.

Nous avons souhaité dans cet article interroger le lien qu’il peut exister entre cette nouvelle offre de logements et ses occupants avec l’ambition de mixité sociale portée de trois façons différentes. Cette diversification participe-t-elle à encourager une mixité sociale plus importante dans ces quartiers rénovés ? Comment le profil de ces habitants, leur trajectoire résidentielle, leur relation et représentation du quartier sont-ils moteurs de diversification ? Comment les évolutions constatées parmi les habitants de cette nouvelle offre de logements permettent-ils de comprendre de façon dynamique cette ambition de mixité sociale ?

Dans les trois quartiers considérés, les ménages attirés par la nouvelle offre de logements participent à une diversification des profils des habitants que l’on rencontre sur les quartiers si l’on considère les catégories socio-professionnelles et l’âge. Ce parc de logements permet soit, de retenir des jeunes ménages avec enfants, soit de permettre le retour de retraités en ville, soit d’offrir une solution de logement positive pour des ménages – souvent jeunes ou seuls – plus contraints. Ainsi en considérant l’évolution des statuts d’occupation et les caractéristiques des logements occupés par ces nouveaux habitants, nous pouvons assez largement constater que l’arrivée dans l’un de ces trois quartiers constitue une amélioration de la situation résidentielle à minima du point de vue du logement.

En somme, l’étude des caractéristiques de ces ménages et des trajectoires résidentielles entrantes témoignent d’une certaine réussite de la diversification des profils des habitants malgré que l’influence du quartier était dans une proportion non négligeable un argument négatif dans le choix de ces habitants à venir y vivre.

 

Trajectoires résidentielles, évolution de la population, un maintien de la diversification ?

Cet apriori négatif, cette influence négative qu’exerce le quartier dans le choix de nombreux ménages arrivant dans la nouvelle offre de logements non-sociaux de ces trois quartiers pose la question de la pérennisation de leur présence résidentielle.

A Malakoff, les locataires privés (66%) et les ménages jeunes sont surreprésentés – 50% ont moins de 35 ans – dans ce nouveau parc de logement, expliquant un rythme de rotation résidentielle plus élevé que la moyenne. Tandis qu’à Kervénanec et aux Sablons, les profils des ménages étant plus âgés et plus stabilisés (enfant d’âge moyen, arrivée suite à la retraite…) ont moins de besoins d’évolution ou de mobilité résidentielle.

Cette différence dans la durée de la présence résidentielle peut avoir des implications en terme d’investissement et de représentation. D’un côté, l’aspect éphémère de la présence de nombreux ménages à Malakoff peut conduire à un investissement par les pratiques, les relations ou l’affectif assez mesuré voire absent. Inversement, nous avons vu que les profils de ménages exerçant une présence résidentielle longue peuvent d’une part chercher à s’impliquer et s’intégrer au quartier ou d’autre part, opérer et construire une mise à distance assez importante du cœur du quartier.

Au-delà, ces mobilités résidentielles sont également vectrices d’évolution de la population résidente. Ces résidences étant encore relativement jeunes, il est difficile de tirer des conclusions sérieuses et précises mais nous pouvons, dresser quelques pistes. Lors de la fin des clauses anti-spéculation, de nombreux ménages revendent leur bien qui, au bout de 5 à 7 ans ne convient plus ou moins à leurs besoins. A la tour de l’Espal par exemple 60% des 17 achats depuis la fin des clauses sont pour de l’investissement locatif. Cette évolution des statuts d’occupation va mécaniquement entraîner l’évolution de la population résidente en attirant des ménages moins favorisés et semble vécue négativement par les propriétaires occupant qui vivent ce changement comme une dégradation de l’ambiance générale de la résidence. Inversement, la fin des dispositifs type PINEL dans les résidences de Malakoff en particulier entraîne des reventes qui semblent attirer quelques propriétaires occupants remplaçant de fait des locataires.

A ces dynamiques résidentielles, nous avions également repéré des situations de blocage résidentiel qui expliqueraient que la proportion des habitants qui tenait un discours négatif augmente et progresse également à mesure de l’ancienneté de ces ménages dans le quartier.

 

De trop grandes différences pour créer du lien ?

Cette proportion importante de relations et représentations négatives chez ces habitants pourrait s’expliquer, à Malakoff notamment, par les écarts très importants entre les profils que l’on rencontre dans ces résidences et dans le quartier.

 

« Depuis qu’ils ont refait, une grande mixité mais il y a peut-être de grandes différences [entre les habitants] qui sont source de problèmes » (Malakoff, propriétaire, homme vivant seul, indépendant, 33 ans)

 

Cette hétérogénéité, cette différence est ressentie par de nombreux habitants des résidences les plus au contact du quartier et engendre trois types de réactions. Premièrement, on retrouve ce rapport à la mixité dans des discours très négatifs – elle est source de tensions et d’incompréhension. Deuxièmement, et de façon opposée à la première, on retrouve des habitants qui évoquent ce rapport à la mixité dans un discours valorisant la différence, la diversité et la sensation de mélange qu’ils ressentent même si elle n’est pas toujours réellement vécue dans les faits. Enfin, cette relation à la diversité peut être associé à la sensation – généralement désagréable – qu’ont certains d’être les artisans d’une gentrification du quartier.

En revanche, cette relation à la différence et à la mixité n’est pas systématique. A Kervénanec par exemple, l’implantation des nouveaux logements non-sociaux en bordure de quartier, de l’autre côté d’un axe structurant, favorise assez peu la sensation de mixité chez ces habitants, qui, ne considérant pas vraiment habiter le même quartier, peuvent mettre à distance cette différence. De façon plus marginale, des stratégies et des attitudes de distanciation s’observent également à Malakoff et aux Sablons notamment dans les résidences les plus éloignées du cœur de ces quartiers et où une sensation de différence avec les populations « historique » du quartier plus que de mixité est mise en avant.

Ainsi, la question du lien entre ces nouvelles résidences et le quartier, entre les habitants de ces nouvelles résidences et les habitants historiques, apparaît être un enjeu important dans le cadre de cette recherche de mixité sociale dans les quartiers rénovés.

D’une part, cela pose la question des lieux et des espaces où peuvent se créer et se former ces liens. L’école semble jouer un rôle positif dans un certain nombre de cas et être un vecteur d’intégration important pour ces « nouveaux » habitants, mais elle ne paraît pas suffisante. En effet, elle peut également être source de mécontentement et elle est régulièrement la raison qui pousse à envisager un déménagement chez les jeunes parents avant qu’il ne soit trop tard, avant l’entrée en primaire ou au collège.

 

« Je dis que j’habite gare sud ou île de Nantes quand on me demande où j’habite et en fonction de la personne à laquelle je m’adresse (rires). […] j’ai honte de dire où j’habite » (Malakoff, propriétaire, femme vivant en couple, banquière, 27 ans)

 

Inversement, l’absence de lien est également à interroger puisqu’elle est dans un certain nombre de cas, le résultat d’une adaptation des façons d’habiter le quartier qui permet le maintien d’une partie des habitants malgré la relation plus difficile qu’ils entretiennent avec ce dernier. Dans une forme de négociation personnelle dans laquelle le ménage cherche à préserver certaines qualités (logement, localisation, …), il tente d’évacuer ou de minimiser les aspects négatifs qu’il associe au quartier afin de préserver des avantages qu’il aurait du mal à trouver ailleurs en ville.

 

Intensité des changements et représentations du quartier

Enfin, au-delà de l’échelle du ménage, l’échelle plus large du quartier permet d’apporter des éléments de compréhension quant à cette recherche de mixité sociale liée à la diversification de l’offre de logements. Dans les trois quartiers, les efforts de diversification sont d’ampleur très différentes : de 2,4% aux Sablons, à 20% pour Malakoff. Face à cette différence dans les changements et évolutions urbaines et sociales aussi importantes, nous pouvons nous demander s’il n’existe pas des écarts aussi significatifs dans la relation qu’ont les habitants au quartier.

Les mutations et changements urbains très importants qui ont été conduits dans les quartiers de Malakoff et de Kervénanec semblent avoir une influence positive puisqu’ils créent une dynamique, une perspective de changement qui, dans un certain nombre de cas, motive voire rassure. D’autre part, la présence en quantité significative de nouveaux logements non-sociaux voire même la démolition de logements sociaux et la perspective d’une poursuite de la diversification sociale est également un motif de satisfaction pour ces ménages.

Inversement, aux Sablons, dont la forme et les fonctions urbaines ont assez peu évoluées et dont les changements ont assez peu impactés les habitants qui peinent à identifier les évolutions urbaines et sociales associées à la rénovation urbaine, les ressentis des habitants de la nouvelle offre de logement non sociale sont plus souvent négatifs par rapport au quartier et sont plus nombreux à décrire une évolution négative de l’ambiance du quartier.

Quoiqu’il en soit, c’est toujours la prévalence du poids des réputations sur ces quartiers qui continue à jouer un rôle important et qui influence les comportements et perceptions de ces habitants. La préservation plus ou moins importante de bâti caractéristique du grand ensemble – les tours le plus souvent – continue d’être associée à des représentations négatives et fait l’objet de mise à distance dans les discours tenus, les mobilités et les pratiques.

 

Une mixité manquée ?

Ainsi, l’arrivée ou le maintien de ces populations participe à la diversification des profils des habitants des quartiers étudiés à la mesure de la proportion que représente ce nouveau parc de logements. Cependant, il est difficile de conclure leur accordant un rôle en faveur d’une progression de la mixité sociale dans ces quartiers rénovés initialement souhaitée. En effet, au vu des rapports et des relations souvent distanciés voire résultant d’un évitement physique ou symbolique, il semble que les liens, les apports et les enrichissements qui sont prêtées au mélange, social notamment, ne trouvent pas lieu d’être.

Cependant, à quelle échelle penser cette mixité ? Si elle ne semble pas se réaliser à l’échelle des quartiers voire des micro quartiers en favorisant plutôt une certaine fragmentation soocio-spatiale, quels peuvent être les lieux, les espaces où se créent un mélange, une mixité. Si l’école est un espace trop stratégique pour entamer, expérimenter voire « risquer » la mixité pour de nombreux nouveaux ménages, n’existe-t-il pas des lieux qui ne portent pas une telle responsabilité et qui pourraient être vecteur de ces liens ?

Nous l’avons vu comme des signaux faibles mais bien réel, certains espaces accueillent des « embryons » mise en relation. Le Vorkoff à Malakoff est un composteur collectif au pied de l’une des nouvelles résidences mais le long de l’axe central, qui est devenu un lieu privilégié de croisement voire d’échange entre les habitants des nouvelles résidences et des logements sociaux le fréquentant. Multiplier, diversifier ces lieux et évènements communs pourrait être un vecteur de création, d’émulation de ces liens qui semblent, au regard de notre étude, aussi faibles que négatifs.

 

 

5.  Bibliographie

  • Baudin, Gérard. 2001. « La mixité sociale: une utopie urbaine et urbanistique ». Revue du CREHU, 10.
  • Chamboredon, Jean-Claude, et Madeleine Lemaire. 1970. « Proximité spatiale et distance sociale. Les grands ensembles et leur peuplement ». Revue française de sociologie, 3‑
  • Lelévrier Christine. 2014. Diversification de l’habitat et mixité sociale dans les opérations de rénovation urbaine: trajectoires et rapports au quartier des « nouveaux arrivants ». Édité par France Plan construction et architecture. Recherche PUCA. Lyon: PUCA.
  • Pan Ké Shon, Jean-Louis. 2009. « Ségrégation ethnique et ségrégation sociale en quartiers sensibles: L’apport des mobilités résidentielles ». Revue française de sociologie 50 (3): 451. https://doi.org/10.3917/rfs.503.0451.
  • Steindorsson, Maximilien, Guy Baudelle, et Solène Gaudin. 2021. « Retrouver sa place dans les nouveaux lieux issus de la rénovation ? L’exemple du grand ensemble Malakoff à Nantes ». Territoire en mouvement, 22. URL : https://journals.openedition.org/tem/7103

 

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