Acteurs des politiques de la ville et des politiques de l’âge, quelles co-responsabilités dans la construction de villes amies des aînés ?

Par Angélique GIACOMINI, Docteure en sociologie, Déléguée Générale Adjointe responsable de la prospective – Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés

 

Améliorer la convivialité des territoires à l’égard de tous les âges

Des deux points de vue, individuel et collectif, les Français – comme de nombreux citoyens du monde- traversent une révolution démographique. Nous n’avons jamais vieilli autant : en nombre, en part et en âges très avancés.

Cette situation inédite de notre histoire nécessite de moderniser les repères pour mieux construire les politiques publiques, en particulier en luttant contre les idées préconçues qui portent sur le vieillissement individuel et collectif. Ainsi, par exemple, contrairement à certaines idées reçues, on constate que le fait de devenir centenaire devient de moins en moins rare, que la perte d’autonomie ne concerne qu’une part très réduite des retraités et que l’implication sociétale des plus âgés se transforme au gré d’événements multiples.

Le programme « Villes et communautés amies des aînés », initié par l’Organisation mondiale de la santé en 2007 et porté en France depuis 2012 par le Réseau Francophone des Villes Amies des Aînés, constitue un outil concret au service des collectivités. Il repose sur l’idée que le vieillissement ne doit pas rester l’apanage des services médico-sociaux mais qu’il doit être pris en compte de manière multisectoriel, afin d’assurer une plus grande convivialité des environnements sociaux et bâtis pour tous. Les enjeux sont multiples : permettre l’autonomie le plus longtemps possible, garantir la citoyenneté à tout âge, améliorer la qualité de vie… C’est ainsi que les collectivités impliquées dans le Label Ami des Aînés sont invitées à réfléchir et agir autour de huit thématiques : Habitat ; Transports et mobilité ; Espaces extérieurs et bâtiments ; Information et communication ; Lien social et solidarité ; Autonomie, services et soins ; Culture et loisirs ; Participation citoyenne et emploi.

 

Un double mouvement entre politiques de l’âge et politiques de la ville

Pour garantir l’équité territoriale et générationnelle dans une collectivité, l’enjeu est double : assurer la prise en compte du défi du vieillissement dans les quartiers prioritaires et, parallèlement, veiller à l’intégration des quartiers prioritaires et de leurs habitants dans la construction des politiques de l’âge menées par la collectivité.

D’une part, les habitants les plus jeunes, en partie du fait de leur nombre et de la proportion qu’ils représentent, ont historiquement constitué une priorité dans les politiques de la ville. Pourtant, les habitants vieillissent au rythme de ces quartiers et les aînés y vivent en nombre croissant. Les questionnements autour de la qualité de vie et de la santé de ces habitants âgés sont identiques à ceux des autres territoires, mais peuvent marquer quelques particularités, par exemple au sujet de l’accès aux droits et aux services, du sentiment d’appartenance au territoire, de la diversité de l’offre d’habitat qui leur est proposée, de l’accès à l’information…

D’autre part, les territoires engagés dans le LABEL AMI DES AINES sont invités à développer une attention particulière pour les quartiers prioritaires. Ainsi, ils sont par exemple encouragés à intégrer à l’état des lieux des données spécifiques aux populations âgées vivant dans les QPV, à mener une réflexion avec des associations qui y sont implantées, à y organiser des ateliers participatifs, à diversifier les modes de communication, à intégrer dans le plan d’action des projets à déployer en QPV…

Ce double mouvement contribue, dans les Villes amies des aînés, à l’émergence de projets diversifiés prenant mieux en compte les aînés dans les quartiers prioritaires, par exemple :

  • A Saumur, afin de garantir l’égalité d’accès aux soins et donc pallier le manque de médecin sur le territoire, un centre communal de santé a été créé dans le quartier prioritaire, réunissant dix médecins retraités. Cette structure permet aussi la formation des internes qui pourront à la fin de leur cursus exercer sur le territoire.

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  • A Saint-Quentin, avec l’association MultiCité, les ateliers « bien-être seniors » facilitent l’accès gratuit, en particulier aux habitants d’un quartier prioritaire, à des séances d’activités physiques délivrées par un éducateur sportif.

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  • A Nantes, le Parcours des Aînés de Malakoff s’adresse aux personnes âgées isolées et/ou en situation de fragilités d’un quartier prioritaire de la ville. Il se compose de temps collectifs hebdomadaires réguliers et évoluant en fonction des besoins et demandes des participants : repas partagés, activités de loisirs créatifs, gymnastique douce, temps d’information sur les aides du CCAS, sorties accompagnées lors des temps forts festifs du quartier, café-débats. C’est un projet de proximité qui s’appuie sur le maillage territorial associatif tant pour la connaissance et le repérage des personnes âgées isolées, que pour la construction et l’animation d’un programme adapté.

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Mieux prendre en compte l’expertise d’usage dans la construction des politiques locales

L’un des piliers majeurs de la démarche « amie des aînés » est l’implication des aînés dans la construction des politiques locales. Au même titre que l’expertise technique des professionnels et que la légitimité politique des élus, l’expertise d’usage des habitants permet l’élaboration de projets plus pertinents. La co-construction améliore également le sentiment d’appartenance au territoire et réaffirme l’existence de la citoyenneté à tout âge. Les habitants constituent ainsi des alliés qui, aux côtés de la collectivité, contribuent à créer des environnements sociaux et bâtis plus conviviaux pour toutes les générations.

Ainsi, par exemple, de nombreuses déambulations urbaines sont organisées dans les espaces publics avec des élus, des professionnels et des habitants âgés qui sillonnent ensemble leur bassin de vie pour identifier les besoins en matière de structures de repos, de toilettes publiques, d’éclairage urbain, de signalétique… Autant de sujets essentiels pour permettre à chacun de pratique son territoire de vie de la manière la plus autonome possible, quel que soit son âge, son parcours de vie, son état de santé, etc. Les quartiers prioritaires ne sont bien sûr pas exemptés de ce type de démarches et de projets qui peuvent d’ailleurs bénéficier d’un support financier par le Fonds d’appui pour des territoires innovants seniors.

 

L’intergénération, un projet de territoire

Le sujet des liens entre les générations, du vivre-ensemble, de la transmission, de la grand-parentalité sont autant de thèmes essentiels pour établir le contrat social, dans les quartiers prioritaires comme dans l’ensemble des territoires de vie, mais souvent avec des manières de questionner et des réponses différentes. Au-delà de l’essaimage de projets rapprochant des générations extrêmes (par exemple les crèches et les EHPAD) pour un temps court, l’intergénération comme projet de territoire apparaît comme une clé d’amélioration des lieux de vie, et ce pour toutes les générations.

Pour aller en ce sens, l’enjeu tient principalement dans la lutte contre l’âgisme, mais aussi dans une réflexion constante visant à permettre aux différentes générations de se retrouver naturellement dans des lieux collectifs (culturels, sportifs, espaces verts…) et de vivre ensemble des moments fédérateurs. Pour y parvenir, les différentes générations devraient systématiquement être impliquées dans la construction des politiques locales, afin que les projets développés permettent à chacun, de manière équitable, de se sentir bienvenu (médiathèques, centres sociaux, espaces extérieurs, etc.). Cette dynamique de co-construction, de réflexion conjointe autour de l’intérêt général et du vivre-ensemble constitue un levier essentiel vers la construction de territoires « amis de tous les âges ».

Photo : Quartier des Moulins Liot à Fontenay-le-Comte

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