Y a-t-il un « modèle » coopératives éphémères dans les QPV ?

Réflexions issues d’une étude exploratoire sur trois territoires bretons

Article paru dans Idées & Territoires, revue du comité scientifique de RésO Villes, novembre 2017
Par Alice Poisson, responsable de formation et d’accompagnement de collectifs d’acteurs au Collège Coopératif en Bretagne  
et Sandrine Rospabé, maîtresse de conférences en sciences économiques au département Carrières Sociales de l’IUT de Rennes

Les coopératives éphémères de territoire constituent un projet expérimental d’entrepreneuriat collectif qui s’inspire des Coopératives Jeunesse de Services, importées du Québec en 2013. Une étude exploratoire sur trois territoires bretons (dont deux quartiers politique de la ville) permet de présenter le cadre général de ces coopératives et d’esquisser un premier tracé des différences de configuration, selon le territoire d’implantation, le système d’acteurs impliqués et les pratiques développées.


Les coopératives éphémères sont nées en France d’une importation du modèle québécois des coopératives Jeunesse de Service (CJS), projet d’éducation des jeunes à l’entrepreneuriat coopératif. Durant un été, un groupe de jeunes coopérants âgés de 16-18 ans s’initie au fonctionnement d’une entreprise coopérative, s’organise collectivement pour proposer des services à la population et aux entreprises sur leur territoire, définir une stratégie de commercialisation et prendre des décisions de façon démocratique. L’expérimentation des CJS a démarré en 2013 en Bretagne à l’initiative du réseau Coopérer pour entreprendre (réseau des Coopératives d’Activités et d’Emploi (CAE), des pôles de développement de l’ESS (pôles ESS) et de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS) de Bretagne en partenariat avec le réseau de la Coopération du travail du Québec. En quelques années, elle s’étend sur le territoire français : trois CJS en 2013 en Bretagne et 32 CJS, en 2016, sur sept régions (dont 22 dans des territoires identifiés « politique de la ville »).

Parallèlement et parfois suite à la mise en place de CJS, certains acteurs (CAE, pôles ESS, collectivités territoriales, acteurs jeunesse) décident d’expérimenter de nouvelles formes de coopératives sur leurs territoires. Ainsi, en 2014 et en 2015, en Ardèche, deux groupes de jeunes majeurs (18-25 ans) ont pu tester l’entrepreneuriat coopératif le temps de l’été. A l’automne 2015, une coopérative de jeunes majeurs (CJM) voit le jour à Saint Avé (Bretagne, Morbihan). Sur d’autres territoires bretons, les acteurs réfléchissent à la création de telles coopératives.

Les coopérants commencent par vivre une semaine d’intégration qui favorise l’interconnaissance, la création d’une dynamique de groupe et le travail autour des valeurs et principes de la coopération. Arrive ensuite une phase de construction de la coopérative (organisation du temps de travail, répartition des missions, choix du nom de la coopérative etc.)

Alors que se mettent en œuvre ces dynamiques locales, dès 2015, la CRESS Bretagne et la Caisse des Dépôts et des Consignations (CDC) travaillent à la mise en place d’un partenariat sur la thématique de l’Economie sociale et solidaire (ESS) dans les quartiers politique de la ville (QPV). Ces réflexions aboutiront en 2016 au projet « L’entrepreneuriat collectif, levier de développement socio-économique des quartiers prioritaires politique de la ville » co-construit en lien étroit avec les acteurs pionniers de l’expérimentation CJS et CJM, les pôles ESS et les CAE. Ce projet entend soutenir le développement de nouvelles CJM et des coopératives de territoire (CT) tous publics, pour développer l’empowerment des jeunes adultes des quartiers prioritaires, tester et diffuser des expériences innovantes d’entrepreneuriat collectif et soutenir la création et le développement de projets ESS.

Six territoires en politique de la ville sont investis dans cette expérimentation. Au premier semestre 2017, se mettent en place des coopératives éphémères à :
• Redon / Bellevue : coopérative jeunes majeurs (Cades et Élan créateur)
• Vannes / Kercado et Ménimur : coopérative tous publics (E2S et Filéo Groupe)
• Brest / Kérourien et Bellevue : coopérative jeunes majeurs (ADESS Brest et Chrysalide)

Sur les autres territoires, l’ingénierie se poursuit pour une mise en œuvre des projets prévue à l’automne 2017 :
• Rennes / Maurepas : coopérative tous publics (Réso Solidaire et Élan créateur)
• Saint-Brieuc / Croix Lambert : coopérative jeunes majeurs (Rich’ESS et Avant-Premières)
• Saint Malo / La Découverte : coopérative tous publics (Horizons Solidaires)

En février 2017, la CRESS Bretagne sollicite le Collège Coopératif en Bretagne (CCB) et une chercheuse du Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche en Innovations Sociétales pour réaliser une évaluation participative du projet. Afin de préparer cette démarche l’équipe de chercheurs décide de mener une enquête exploratoire durant le premier semestre 2017 pour mieux  s’approprier l’expérimentation, et identifier les traits saillants du projet. Trois territoires vont se porter volontaires : deux QPV à Vannes et Brest et la commune rurale de Locminé. Parallèlement, une enquête est menée au niveau régional pour appréhender le contexte d’émergence de l’expérimentation et les modalités d’implication de la CRESS.

Cet article a pour objet de restituer les principaux résultats de cette enquête exploratoire. Dans un premier temps, il explore le cadre commun à ces différentes coopératives, cadre adapté du modèle des CJS. Puis, il se penche sur la diversité des configurations sur les trois territoires enquêtés, selon les contextes de création, les logiques d’acteurs mobilisés et la pluralité des pratiques de fonctionnement. Pour finir, il présente les questionnements et les limites que soulève cette expérimentation […]

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Crédit photo : Ville de Lorient