Les seniors et l’emploi dans les quartiers prioritaires

Par Hervé Guéry, Directeur du bureau d’études Le Compas

Des parcours professionnels difficiles

Les habitants des quartiers ont connu pour une grande partie d’entre-eux des parcours professionnels et personnels souvent difficiles. La part des familles monoparentales y est plus importante, les problématiques de santé y sont plus fortes, les freins à l’emploi y sont amplifiés (mobilité, modes de garde, adaptation de la formation à l’évolution des besoins des entreprises, …). Au regard de personnes plus usées et fatiguées, la poursuite de l’activité professionnelle au-delà de 60 ans dans les quartiers pourrait y être légitimement plus faible. Or, la réalité est autre. Les taux d’activité pour les seniors y sont similaires à ceux observés à l’extérieur des quartiers de la politique de la ville.

De faibles niveaux de retraite

Ainsi dans le cadre de l’observatoire Emploi des quartiers prioritaires de Nantes Métropole, il apparaît que les taux d’activité des 60/64 ans sont équivalents avec 33% à la fois pour les quartiers populaires et à la fois pour l’ensemble de la métropole nantaise. Ainsi, les habitants des quartiers s’inscrivent dans une démarche professionnelle au même niveau que les habitants des autres territoires. Si une forte proportion d’habitants poursuivent déjà leur activité professionnelle dans les QPV au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, cela ne s’explique pas par le seul intérêt porté à l’emploi mais cela est aussi lié à la faiblesse du niveau des retraites. Pour beaucoup de seniors, cette faiblesse les contraint à poursuivre leur activité souvent jusqu’à 65 ans, âge possible du bénéfice de l’ASPA (Allocation de Solidarité aux Personnes Agées, appelée couramment « minimum vieillesse ») qui offre actuellement un niveau de revenu de 960 € (2023) bien supérieur à celui de beaucoup de retraites pour des personnes ayant connu une carrière professionnelle irrégulière. La poursuite de l’emploi ne se fait pas seulement par choix mais bien souvent par contrainte financière.

Le taux d’activité des seniors

Une même étude menée sur Quimper démontre les mêmes proportions. Ainsi, le taux d’activité des 60/64 ans est de 28,9% pour l’ensemble de la ville contre 28,6% pour les habitants des quartiers. Pour autant, il faut noter deux spécificités pour les seniors actifs des QPV :

  • La part des actifs au chômage est beaucoup plus importante pour les habitants des quartiers prioritaires (30% pour les habitants des QPV de Nantes Métropole de plus de 60 ans et 37% pour ceux du quartier de Kermoysan de Quimper).
  • Le taux d’activité est plus fort pour les femmes que pour les hommes parmi les plus de 60 ans. Même si dans tous les cas, il y a plus de femmes que d’hommes actifs après 60 ans (différence d’espérance de vie notamment) pour 100 femmes de cette tranche d’âge il y a plus de femmes actives que pour 100 hommes de la même tranche d’âge.

Quel plan pour l’emploi des seniors dans les quartiers ?

Pour un prochain contrat de ville, la prise en considération de la situation de l’emploi des 60 ans et plus sera essentielle. La réforme des retraites concerne l’ensemble de la population et donc se traduira par une augmentation du nombre de seniors des QPV en activité. Quel sera l’accompagnement pour ces personnes dont beaucoup connaissent des difficultés de santé ? Quel plan pour l’emploi des seniors dans les quartiers ? La part des demandeurs d’emploi y est beaucoup plus forte qu’ailleurs (et des bénéficiaires du RSA au-delà de 60 ans), dès lors il sera nécessaire aussi de travailler à la fois sur la levée des freins à l’emploi et à la fois sur une offre d’emplois accessibles pour les habitants des quartiers de 60 ans et plus. Les questions liées à l’usure des personnes, à la mobilité, à la discrimination peuvent être amplifiées au-delà de 60 ans. Un accompagnement spécifique (intégrant notamment les enjeux de santé) prenant en considération ces réalités doit être anticipé afin d’éviter que les évolutions législatives sur les retraites ne se traduisent par plus d’écarts entre territoires prioritaires et autres territoires des agglomérations.

 

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