Portraits de sportive. Karine DELIGNOUX, heureuse d’être debout | Saint-Malo

Entre Karine et le sport, ce n’était pas gagné… La vie n’a pas épargné le corps de celle qui fut surnommée « la miraculée », à l’hôpital de Saint-Malo. Mais le mental exceptionnel de Karine l’a remise debout, coûte que coûte. Et elle est entrée dans le sport par la porte grande ouverte de l’association So Sports Évasion. Là, Karine s’est sentie autorisée, capable et heureuse de saisir une raquette de badminton, malgré ses problèmes de santé. Elle milite aujourd’hui pour que le sport soit accessible à tous, avec son association.

Nom : DELIGNOUX

Prénom : Karine

Âge : 45 ans.

Signes distinctifs : Derrière son fort caractère, et son franc-parler, Karine est une personne profondément serviable et généreuse.

Sport pratiqué : Le badminton.

Pouvez-vous vous présenter ?

À la base, je suis normande. Mes parents ont déménagé le 1er avril 1989 à Saint-Malo. Mon père était marin-pêcheur. Il faisait la route en scooter de Saint-Malo jusqu’à Flers, c’était devenu compliqué. Ils ont tout quitté pour venir ici, à la Madeleine. J’avais 10 ans. Ma mère y habite toujours. Mon fils avait 5 mois quand je suis arrivée à La Découverte, il y a 21 ans. Je connais le quartier, j’ai vu beaucoup de transformations. J’ai travaillé en hôtellerie, à partir de mes 18 ans, et j’ai eu un accident de mobylette en novembre 2001, à la cale de Dinan. J’ai fait un soleil de 20 mètres. Je me suis fracturé les cervicales. Ils m’ont dit que je ne remarcherais pas. Cela a chamboulé toute ma vie. J’allais signer un CDI. J’avais 23 ans. J’ai décidé de me battre. J’ai dit au chirurgien : « Je suis dehors pour Noël ». Mon caractère m’a sauvé. J’avais mal, mais j’étais là, debout. Depuis, je n’ai pas retravaillé, à cause de mes douleurs. Il y a 5 ans, j’ai fait une réduction de l’estomac. J’ai perdu 80 kilos. On m’avait dit que je me sentirais mieux, mais depuis, je ressens toutes les douleurs. Je n’ai plus de force. L’emploi reste compliqué.

« Le sport est devenu mon échappatoire. »

Le sport est devenu mon échappatoire. Pourtant mon premier souvenir sportif était très mauvais. J’étais au collège. On faisait des tours de terrain et je me suis écroulée. On a découvert que j’étais asthmatique. Je n’étais pas fan du tout du sport, avant de découvrir « Bouge ton lundi », encouragée par ma conseillère RSA. Depuis, je n’ai pas arrêté le sport. Quand on est des quartiers QPV, les prix sont très abordables. Ce n’est pas un frein, et c’est devenu un plaisir de venir.

Quelle est votre pratique sportive ?

Je suis à fond dedans, depuis « Bouge ton lundi ». Je remercie Nicolas Le Guernic, coordinateur et fondateur de So Sports Évasion. L’association propose du multisport, avec des créneaux pour les tout petits à partir de 3 ans, jusqu’aux plus âgés. En ce moment, je ne pratique que du badminton, le lundi après-midi, le mardi soir, le vendredi après-midi. Selon les jours, les niveaux sont différents. Ils nous ont ajouté une séance le vendredi soir. Et le samedi matin, je fais aussi avec ma fille une séance parent-enfant, toujours avec l’association. Cela développe une complicité et une écoute différente avec son enfant. Avec cette association, on peut venir même si on a des problèmes de santé. C’est vraiment adapté à chaque personne et ce qu’elle peut faire. On n’est pas là pour gagner, mais pour jouer, se détendre. Il n’y a pas de compétition. Cela reste du loisir. On a fait un tournoi avec des personnes en situation de handicap. C’était génial. Ils se débrouillent vraiment très bien. C’est intéressant de jouer avec des personnes différentes. On n’est pas des joueurs, mais des amis qui se détendent autour d’une activité sportive.

Que représente le sport pour vous ?

J’ai besoin d’aller au sport souvent. Ce sont des temps qui me font beaucoup de bien, comme je ne travaille pas pour le moment, étant en situation de handicap. J’ai deux grands enfants et une petite de trois ans qui m’absorbe beaucoup, le sport me permet de souffler un peu. Je m’éclate ici. Les gens de l’association sont géniaux. Je suis partie en avril aux sports d’hiver avec mon deuxième fils et ma fille. On ne peut pas avoir meilleure ambiance. Alors je m’investis comme bénévole dans So Sports Évasion.

Le sport est un échappatoire, parce que plus les années passent, plus mon handicap s’aggrave. Parfois, je vais jouer sans aucun problème et parfois je vais avoir très mal. Je ne m’arrête pas, parce que je suis comme ça. Pour la santé, c’est bénéfique. Pour le mental aussi. Il y a tout qui joue avec le sport. J’ai envie de dire aux gens qui souffrent de handicap qu’ils ne sont pas seuls. S’ils connaissaient mon dossier médical, ils s’étonneraient de me voir sur le terrain, mais ce n’est pas parce qu’on a un handicap qu’on ne peut pas vivre à côté. Souvent les gens qui ont des difficultés de santé ont peur de ne pas être capables, d’être jugés, d’être forcés. Le sport est un moyen de montrer aux gens différents que l’on peut très bien prendre du plaisir à jouer. Il ouvre les esprits.

À l’avenir, quelles évolutions liées au sport aimeriez-vous voir se développer ?

Je me bats. Je n’ai pas le choix. J’ai failli y passer, avec mon accident. Il y a quelques années, je suis tombée sur une infirmière qui m’a soignée à Saint-Malo. J’ai appris qu’on m’avait surnommée « la miraculée ». Je le prends avec le sourire, parce que je suis debout. C’est tout ce qui m’importe. Quand j’ai eu mon accident, j’ai dit : « je ne cesserai de me battre, je ne veux pas finir en fauteuil ». Le fauteuil sera inévitable, je le sais, mais pas pour l’instant. Je veux rester sur mes jambes, c’est pour cela que je fais du sport, que je pousse mes limites. Le sport, c’est la vie. Je ne m’en étais pas rendu compte avant cet accident.

« Je me bats. Je n’ai pas le choix. J’ai failli y passer, avec mon accident. Je veux rester sur mes jambes, c’est pour cela que je fais du sport, que je pousse mes limites. Le sport, c’est la vie. »

C’est pour cela que j’essaie de transmettre le sport, chez moi. Chacun de mes enfants est venu faire du sport avec moi dans l’association. Ce serait bien que les jeunes puissent faire du sport. Tous ces enfants de La Découverte et bien d’autres quartiers, ceux qui décrochent de l’école… Je les vois traîner dehors, je ne comprends pas. Pourquoi ne pas les inscrire au sport ? Cela évitera bien des dérapages. En plus, So Sports Évasion propose des activités sportives gratuites dans les quartiers prioritaires pendant les vacances. J’aimerais aussi que les personnes ayant des problèmes de santé ou des handicaps s’autorisent à faire du sport. Le mélange des générations peut être bénéfique dans le sport.

 

Propos recueillis par Marie Fidel

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