Portraits de sportif. Fortian ISENI, grandir avec le tennis | Brest

Fortian a 10 ans et déjà un grand rêve, accroché à sa raquette : devenir joueur professionnel de tennis. Pourtant, le sport, au début ce n’était pas ça. Il ne se sentait pas tellement à l’aise, dans un maillot de foot ni devant son premier coach de tennis. Mais une autre approche sportive, portée par l’association « Fête le mur », a déclenché chez lui une révélation pour le tennis. Tout comme le sentiment de grandir, avec le sport.

Nom : ISENI

Prénom : Fortian

Âge : 10 ans.

Signes distinctifs : Son prénom albanais, choisi par son grand-père paternel, ainsi que son potentiel au tennis.

Sport pratiqué : Le tennis, avec l’association Fête le Mur et le Tennis Club Brestois (TCB).

Peux-tu te présenter ?

Je m’appelle Fortian. Je suis né le 27 janvier 2013, au Kosovo à Gnjilane. J’ai vécu deux ans là-bas, avant de venir en France. J’ai passé presque toute ma vie à Brest, dans le quartier Keredern, à Brest. Il y a un an à peu près, j’ai dû déménager à Saint-Pierre-Quilbignon.

Brest est une ville formidable, il y a tout ce qu’il faut. Le centre-ville fait des évènements à Noël, au Nouvel An, pour s’amuser. Je vais à la plage de Sainte-Anne, de la Cavale Blanche, à Guipavas, à côté de Brest. Les paysages sont magnifiques. Keredern est un quartier vraiment pas mal. Comme tous les quartiers, il y a des avantages et des désavantages. L’avantage, ce sont les lieux qui se trouvent à côté : du sport, des centres de loisirs, des terrains, des parcs, des écoles. Les désavantages, c’est que ce quartier est mal entretenu, parce qu’il y a souvent des ados qui viennent faire n’importe quoi dans le quartier, du graffiti, brûler les bâtiments, les voitures. C’est ce qui a vraiment abîmé le quartier, et qui l’a changé.

Je suis en sixième à Saint-Pierre. Je vais tous les étés au Kosovo. J’aime bien la vie. J’aime le sport. Je suis passionné de tennis.

Quelle est ta pratique sportive ?

Mon premier souvenir de sport, c’était un jour comme les autres. Mon père voulait que fasse du sport, alors il m’a inscrit au foot à Lambézellec. Je ne me sentais pas vraiment bien dans ma peau. Je ne voulais pas y aller, ça ne m’amusait pas. J’ai arrêté. Puis quand j’avais 7-8 ans, j’ai découvert le tennis, avec mon père. Il est sportif. Je lui ai demandé si je pouvais essayer en club. Il a hésité. Une année à 200 euros… Il m’a demandé si j’étais sûr. J’ai répondu oui, alors je me suis inscrit. Mais un mois après, j’ai arrêté. Dès que je ratais, mon coach me disputait. C’est 200 euros qui sont partis pour rien…

Depuis que j’ai rejoint « Fête le Mur », grâce à un ami, tout a changé. Je suis beaucoup plus à l’aise, beaucoup mieux dans ma peau. C’est une organisation créée par Yannick Noah, pour les personnes qui n’ont pas assez d’argent pour découvrir le tennis. Il s’est dit qu’il allait créer ça pour les aider à trouver quelque chose à faire, à s’amuser, parce que lui aussi a grandi dans cette pauvreté. Depuis, je viens jouer le mercredi avec l’association. J’ai cours de 17 h 30 à 18 h 30, mais je viens dès 13 h 30 à pour aider Marion, ma coach, avec les plus jeunes. Si j’ai des devoirs, je les fais ici. Et le jeudi, je fais cours avec le Tennis Club de Brest.

« Depuis que j’ai rejoint “Fête le Mur”, tout a changé. Je suis beaucoup plus à l’aise, beaucoup mieux dans ma peau. »

J’ai commencé les tournois il y a un an. C’est ce qui m’amuse le plus. On m’a dit : « Plus tu en fais, plus tu garantis ta place dans ce qu’on appelle « l’ATP », là où il y a les joueurs professionnels. » Alors dès que je vois une compétition dans les alentours, je la fais, pour augmenter mon classement, pour m’amuser aussi. Mes parents essaient de m’accompagner quand ils ont vraiment les moyens. Sinon Marion, ma coach se propose de m’emmener. Elle se donne à fond pour que je sois le meilleur possible.

Que représente le sport pour toi ?

Le tennis, c’est un sport formidable, fait pour s’amuser, mais les gens ne prennent pas le temps de l’admirer, parce qu’ils se concentrent sur les sports principaux, le foot ou le basket. Le tennis a vraiment une place dans mon cœur.

Cette année, on a commencé le premier championnat par équipe, on a terminé premier du Nord Finistère, deuxième à la finale. Malheureusement, on a perdu. C’était déjà très bien, on était fiers de nous. Certains mettent du temps pour arriver là. Mais c’est vraiment dur, de perdre. J’ai changé de comportement. Mes premiers matchs, j’étais tranquille quand je perdais. Mais là, je suis devenu un peu rageur… J’ai envie de gagner.

« Le tennis, c’est un sport formidable, mais les gens ne prennent pas le temps de l’admirer, parce qu’ils se concentrent sur les sports principaux, le foot, le basket. »

On me dit souvent que grâce au tennis, je grandis beaucoup, en taille. Il y a le physique, mais aussi la mentalité. J’ai appris le fairplay. J’aime bien jouer en double, c’est différent. On apprend à ne pas toujours aller chercher la balle, la laisser aux autres. En apprenant les règles du tennis, mon cerveau, mon intelligence grandissent. C’est un des gros avantages du sport. En venant au tennis, je suis vraiment motivé pour m’améliorer. J’aime bien animer, montrer ce sport aux petits. Cela me plait de me sentir plus âgé, je suis fier de faire certaines choses exceptionnelles. C’est ce qui me fait grandir. Marion me donne des instructions, ça m’aide à travailler ma mémoire, à me rapprocher des plus jeunes et à les faire grandir, aussi.

À l’avenir, quelles évolutions liées au sport aimerais-tu voir se développer ?

Je crois très fort que si une personne ne lâche pas son rêve, à un moment dans sa vie elle l’atteindra. Moi, je veux être joueur de tennis professionnel. C’est une mission que je me donne. Mes parents m’interrogent parfois, sur ce métier. Je dois leur montrer que je suis capable de faire de grandes choses. Je pense que quand on est intéressé pour faire un sport ou que l’on veut devenir professionnel et faire ce métier dans le futur, vraiment il ne faut jamais lâcher. Mais il ne faut pas non plus lâcher les études, qui amèneront au succès à un moment.

« Je crois très fort que si une personne ne lâche pas son rêve, à un moment dans sa vie, elle l’atteindra. »

J’ai fait ramasseur de balles à la Coupe d’Europe 15-16 ans Filles. J’ai approché les grandes joueuses. J’ai fait aussi des sélections au club, au Tennis club Brestois pour être ramasseur à l’Open de Brest, qui est un tournoi de tennis professionnel masculin du circuit ATP Challenger.  On m’a dit que j’étais trop jeune, mais à partir de l’année prochaine, ce sera possible.

Mon quartier peut s’améliorer, je pense. Pour ceux qui veulent pratiquer le tennis, mais qui ne sont pas sûrs, « Fête le Mur » a un projet, comme à Marseille et à Beauvais, où ils ont installé des terrains sur l’herbe, vraiment très beaux, avec de la peinture, des graffitis. Ils aimeraient faire ça à Keredern, pour montrer le tennis à ceux qui ne savent pas et qui hésitent, pour éviter de payer comme moi, avant de lâcher. C’est un sport qu’il faut prendre le temps de comprendre, de pratiquer, d’écouter.

Propos recueillis par Marie Fidel

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