Portraits de seniors. Claudine, de Paris à Sablé-Sur-Sarthe

Née dans le XVIème arrondissement de Paris, cette ex-militante socialiste a déménagé à Sablé-sur-Sarthe au milieu des années 90, après la mort de son mari. Investie dans les instances citoyennes de son quartier, Montreux, elle essaie, à son échelle, de favoriser le vivre-ensemble, sans toujours trouver assez de répondant à son goût chez les autres habitants et habitantes. 

Prénom : Claudine

Âge : 75 ans

Signe distinctif : sa fille artiste lui a permis de rendre sa voiture reconnaissable entre toutes, décorées de ses grosses fleurs jaunes et blanches !

Engagements : Conseil citoyen, bénévole à l’ASSADE (aide aux demandeurs d’emploi), et à l’UNAFAM (aide aux familles et proches de personnes malades et/ou handicapées psychiques)

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis née à Paris, dans le XVIème arrondissement. C’est ma ville ! J’y avais plein d’amis et amies, j’y ai rencontré mon mari, j’y ai eu mes deux enfants, ma fille en 1972, et mon fils en 1980… Je n’ai jamais été très raisonnable, j’en garde encore beaucoup des souvenirs de soirées festives et joyeuses à Saint-Germain. Mon seul regret c’est de ne pas être allée plus souvent au Café de la gare pour voir Coluche pendant ces années ! Je l’adorais. J’ai déménagé à Montreuil avec mon mari, une commune limitrophe de la capitale, très cosmopolite, où nous nous sommes bien plu. Il était architecte, j’étais secrétaire de direction. J’ai travaillé dans plein de structures différentes, mais notamment au siège du parti socialiste, à Solférino. C’était au début des années 80, Mitterrand venait d’être élu, et moi je militais au PS et à SOS Racisme. J’ai croisé des élus, j’allais souvent à l’Assemblée nationale, ça m’a permis de démystifier mon rapport avec les femmes et les hommes politiques, je le ressens encore aujourd’hui quand je les rencontre… Nous avons quitté Montreuil pour la Sarthe après nous être fait cambrioler, et avons emménagé dans une fermette. Je dois dire que ce n’était pas la meilleure idée de ma vie : non seulement ça me changeait complètement de l’environnement dans lequel j’avais toujours vécu ; mais quel travail cela impliquait pour entretenir les lieux ! J’ai quitté cet endroit peu de temps après la mort de mon mari dans un accident de voiture, en 1989. Il avait une trentaine d’années. J’avais deux enfants, il a donc fallu que je trouve des solutions. J’ai cherché du travail au Mans mais il n’y avait rien dans la région. Comme j’avais des amis à Sablé-sur-Sarthe, je me suis peu à peu dit que ce serait un bon point de chute, d’autant que j’avais trouvé le centre et les alentours très agréables à vivre. J’y ai demandé un logement HLM en 1994, et nous nous y sommes installés avec mes enfants. Après des postes en intérim, dont j’appréciais la liberté qu’ils m’offraient, un boulot entre Paris et Sablé, et quelques moments de galères, j’ai décidé de prendre ma retraite à 60 ans, à Sablé, dans le quartier de Montreux où nous sommes arrivés, et où vivent encore mes enfants, chacun et chacune dans des appartements différents. Et j’ai complété mes revenus en m’occupant de personnes âgées à domicile.

« Après quelques moments de galères, j’ai décidé de prendre ma retraite à 60 ans, à Sablé, dans le quartier de Montreux où nous sommes arrivés, et où vivent encore mes enfants. »

Quelle vision avez-vous de votre quartier et de son évolution au cours des années ?

Pour ce qui est du positif, je dirais que c’est un quartier très vert, et au travers duquel on arrive vite dans la campagne. Les appartements sont plutôt bien conçus et bien rénovés, et pour ma part je suis heureuse d’avoir troqué le 5ème étage d’une tour en face pour mon premier étage actuel : mes soucis de santé rendaient difficiles le fait d’habiter plus haut. Nous n’avons pas beaucoup de commerce, mais heureusement un Coccimarket a ouvert il y a peu de temps. Il est propre et bien tenu, c’est pratique, et c’est un bon point de rencontre pour les habitantes et les habitants. Par exemple, pour les besoins d’une enquête menée pour le Conseil Citoyen, nous nous sommes postées devant, ça nous a permis de discuter avec plein de monde.

« Il y a des aspects du quartier que j’apprécie moins, et qui m’encourageraient plutôt à partir. Je trouve que le Covid a accentué le repli sur soi, et que ce n’est pas facile tous les jours de vivre tous ensemble. »

Mais il y a d’autres aspects du quartier que j’apprécie moins, et qui m’encourageraient plutôt à partir. Je trouve que le Covid a accentué le repli sur soi, et que ce n’est pas facile tous les jours de vivre tous ensemble. Je comprends que chacun et chacune aient des modes de vie qui leur ressemblent, mais par exemple quand je veille tard, je mets mon casque et je ne dérange personne… Je n’avais jamais eu ce genre de relations avec mes voisins, nulle part. J’ai le sentiment que c’est de plus en plus difficile aujourd’hui de vivre ensemble. Le conseil citoyen, au sein duquel je suis engagée depuis sept ans, est un bon exemple de ça : nous étions dix-huit personnes engagées au début, mais certains ont déménagé, d’autres sont partis en retraite, et personne ne s’y investit plus, à part les trois dont je fais partie, qui ne lâchent pas encore…

Comment vous situez-vous dans le quartier ?

J’ai vraiment envie de m’investir et d’améliorer les choses tant que je suis là, et même si ce n’est pas tous les jours facile. J’ai toujours été engagée, je ne vais pas m’arrêter maintenant. Par exemple, avec le Conseil citoyen, on a fait financer un jardin partagé par le Rotary. Il a ouvert il y a un an. Mais c’est pareil, à part un habitant qui consacre beaucoup de temps au potager, on n’y voit pas encore grand monde à mon goût… J’aimerais tellement que les gens s’y rendent et se l’approprient ! Pour être sincère, je ne suis pas certaine de vouloir continuer à m’investir dans le Conseil citoyen. Les trois actives que nous sommes ne représentons pas tous les profils du quartier, j’en ai bien conscience. J’aime bien la philosophie de départ des conseils pourtant, le côté « pour et avec les habitants », mais ça ne fonctionne malheureusement pas toujours comme ça. D’autant que nous n’avons pas d’associations représentées qui puissent par exemple faire du relais d’informations directement auprès des gens, ce qui n’aide pas à rendre visibles nos actions… C’est comme ça. Si je ne suis plus investie ici, je mettrai mon énergie ailleurs : peut-être dans cette association que je connais depuis de longues années, qui accompagne les demandeurs d’emploi et/ou des personnes isolées. Ou dans l’association de pair-aidance UNAFAM que j’ai intégrée en tant que bénévole après que mon fils ait été diagnostiqué schizophrène, à 18 ans.

Quel serait votre rêve pour vous et votre quartier ?

Je crois que si je pouvais, en fait, je partirais. Je commence à être fatiguée des incivilités, du bruit à pas d’heures, des barbecues sauvages dans l’espace vert devant chez moi. Et puis j’ai envie d’habiter de plein pied, parce qu’aujourd’hui je ne marche déjà pas très bien, mais que si demain je dois avancer avec un déambulateur, ce sera vraiment compliqué de monter les quelques marches permettant d’entrer dans mon appartement. Au moins, si je suis de plein pied, je ne serai dépendante de personne.

 

Propos recueillis par Clémence Leveau

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