Portraits de seniors. Éliane MICHEL, 51 ans de quartier | Saint-Malo

Bénévole à l’espace Bougainville — Quartier La Découverte — SAINT-MALO

Entre Éliane et son quartier, c’est tout un récit de vie ! L’un et l’autre ont évolué ensemble, en plus de 50 ans. Au départ, elle y fonde une famille, tout comme tous ses voisins et amis, avec une vie rythmée par les tournois de foot et fêtes de l’école et de la paroisse. Aujourd’hui, les enfants sont partis, et le quartier a désormais plus de grands-mères et grands-pères qui y trouvent tous les services médicaux et administratifs nécessaires. Sans oublier le meilleur : un espace convivial pour se retrouver, à Bougainville.

Nom : MICHEL. Mon nom de jeune fille est BESNARD.
Prénom : Éliane.
Âge : 73 ans.
Signes distinctifs : Le lion. C’est mon signe astrologique. J’ai beaucoup de caractère, je ne me laisse pas faire.
Engagements et projets : Je me suis investie longtemps avec l’église et l’école des enfants, aussi le club de foot, puis le comité de quartier. Aujourd’hui, je suis au conseil citoyen et au centre de Bougainville.

« Nous sommes des enfants d’après-guerre. Il fallait reconstruire, refaire le monde. »

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Mon père est né à Néant-sur-Yvel, dans le Morbihan. Ma mère est née à Pontorson. Il y eut la guerre. Ma mère travaillait à Saint-Malo, et mon père est venu ramasser les pommes de terre. Ils se sont connus à Saint-Malo et y sont restés. De leur union, ils ont eu 10 enfants. Nous sommes encore 6 enfants en vie. Je suis l’aînée. Je me suis mariée et j’ai eu mes deux enfants à Saint-Malo. Ils ont fait des études à l’université. Ce qui a fait qu’ils ont quitté Saint-Malo. J’ai trois petits-enfants. J’ai travaillé 44 ans. J’ai eu de gros problèmes de santé. J’étais agent de service à la ville de Saint-Malo. Je sais ce que c’est que le travail. J’ai commencé à travailler à 15 ans. J’avais toutes mes annuités à 59 ans. J’ai donc pris ma retraite. Nous sommes des enfants d’après-guerre. Il fallait reconstruire, refaire le monde. Je suis arrivée ici à l’âge de 22 ans. J’étais mariée depuis 18 mois. Un propriétaire nous avait loué une petite maison, mais il avait décidé de vendre 15 mois après. Je ne voulais plus avoir à faire à un propriétaire. C’est pour cela qu’on a fait une demande pour avoir un HLM.

« J’ai commencé à travailler à 15 ans. Je sais ce que c’est que le travail. »

Quelle vision avez-vous de votre quartier et de son évolution au cours des années ?

Notre premier HLM était un T2, tout confort par rapport à ce qu’on laissait. On était content d’avoir du chauffage ! Depuis 1971, je suis toujours sur le quartier. L’espace Bougainville n’existait pas. J’ai vu la construction du cabinet médical avec médecin, pharmacie, dentiste, kiné et laboratoire. Ici, c’était le premier centre commercial. Il attirait beaucoup de monde. Les commerces se sont enrichis, puis sont partis. Certains ont regretté d’avoir déménagé. Ils disaient : « Je n’ai jamais gagné autant d’argent qu’à La Découverte. » Il y avait tout : mercerie, chaussure, habillement, pharmacie, deux banques, salon de beauté, boulangerie, bureau de tabac, fleuriste, charcuterie, poissonneries, ameublement. On a acheté notre salle à manger à La Découverte. L’église venait de se monter quand je suis arrivée. J’ai eu ma fille, Magali, et trois ans après mon fils Patrice. Ce fut le temps fort : les baptêmes, les communions les mariages…
Certains immeubles ont été abattus. Les gens qui ont déménagé disaient : « Oh, on n’a plus la même vie ! ». Il y avait une ambiance superbe dans les cages d’escalier. Les gens ne se plaignaient pas du bruit, au contraire : « Venez prendre l’apéritif ! »… Rendez-vous compte, dans notre immeuble, il y avait 25 enfants ! Le quartier comptait deux écoles pleines à craquer plus une troisième école catholique, un peu plus haut, à Bellevue. Mes enfants étaient scolarisés là. J’accompagnais les enfants aux tournois de foot, toute la journée. C’était des journées sensas avec les enfants. Ils revenaient avec des étoiles plein les yeux. Je ne regrette pas ! Les prêtres organisaient aussi des animations pour le quartier.

Comment vous situez-vous dans le quartier ?

Après ça, il y eut le comité de quartier. Ils avaient besoin de monde. J’y suis entrée plus tard, mes enfants avaient une quinzaine d’années. On a eu des moments sensationnels, des tournois de foot, le cyclisme, miss découverte, le repas des anciens, des concours de belotes. Ce sont des souvenirs ! On avait une chorale du 3e âge… Plus tard, j’ai été au Conseil Citoyen. On organise des sorties, des voyages pour les familles, des visites de zoo, le loto… Il y a le centre de Bougainville, avec une partie sociale au premier étage et en bas une partie administrative. C’est pratique, pour faire ses papiers, on n’a pas besoin d’aller à Intra-Muros. Beaucoup de gens comme moi sont partis ou sont décédés. Je fais beaucoup moins qu’autrefois. Mais j’aime sortir, car rester chez moi serait trop monotone… Le quartier a vieilli. Ils ont abattu une partie de l’école pour aménager un cabinet de kiné. L’autre partie du bâtiment est devenue une école de musique.

Quel serait votre rêve pour vous et votre quartier ?

Si j’avais une baguette magique dans le quartier, je changerais tout et rien. Tout pour les jeunes. Il y a ce qu’il faut pour eux, des éducateurs, un lieu où ils peuvent se réunir le soir. Je pense que les jeunes ne sont pas assez accompagnés pour mieux intégrer le marché du travail. Quand ils ont abattu les bâtiments pour les refaire, on a obligé les jeunes à participer. J’ai trouvé cela très bien. Beaucoup de choses ont été faites. On a quand même trois immeubles pour les seniors et les personnes handicapées. C’est ça qui est bien, on a besoin de la jeunesse. Le quartier tel qu’il est me plait. On a tous les équipements pour mieux vivre comme senior. Pour les anciens, il n’y a pas grand-chose à changer ! Les parcs ont été refaits avec des jeux. On n’a pas connu ça, nous ! Mes enfants allaient au centre quand je travaillais et sinon je les emmenais à la plage ou pique-niquer à la campagne. Il y a plein de choses, il y a la mer ici ! Maintenant, j’emmène mes petits-enfants quand ils viennent ici en vacances. Ils m’apportent de la joie.

« Je pense que les jeunes ne sont pas assez accompagnés pour mieux intégrer le marché du travail.… »

 

Propos recueillis par Marie Fidel

 

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