Une nouvelle logique d’empowerment

Quelles significations politiques, pour quelle(s) appropriation(s) collective(s) ?

Article paru dans Idées & Territoires, revue du comité scientifique de RésO Villes, novembre 2017
Par Yves-Marie Le Ber, Chargé d’enseignement en sociologie (UCO, Angers) et  formateur en travail social (ARIFTS, CEFRAS)

Le concept de l’empowerment fait débat dans le champ académique, politique et professionnel. Il apparait maintenant dans l’outillage conceptuel et pratique de la « démocratie participative ». Il est également prisé dans le champ de l’action sociale à la fois comme instrument de légitimation scientifique des actions menées mais également comme outil pratique de rénovation des discours et des modalités de prises en charge des publics.


Cet anglicisme empowerment traduit en français généralement par « pouvoir d’agir » entraine des débats allant jusqu’à remettre en cause le fondement même du travail social, entre idéal d’émancipation et logiques de contrôle social des individus. Il bouscule et vient réinterroger les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux. « Marronnier » qui pousse à chaque décennie : de la participation à la vie sociale des grands ensembles des années 60 à l’injonction de pratiquer un travail social à visée « collective », de quoi l’utilisation systématique de cette  rhétorique est-elle le « symptôme » ?

Un mot allogène domestiqué peu à peu

L’empowerment a, à l’échelle des pays anglo-saxons, une histoire ancienne mais s’impose dans les débats et dans les projets bien plus récemment en France. Si l’on s’en tient au cas de l’hexagone, son importation est liée à l’évolution des objectifs des politiques publiques. Il faut attendre le début des années 2000 pour que ce terme, ou plutôt la question de la participation et du pouvoir à redonner aux plus démunis, fasse référence. Au lendemain des révoltes sociales de 2005, le collectif ACLEFEU voit le jour, il a « pour mission de faire remonter la parole des quartiers populaires auprès des institutions. » Cinq ans plus tard, la création du collectif « Pouvoir d’agir » composé de citoyens, de professionnels du travail social et d’« usagers » marque un renversement dans le traitement de la question sociale. Il s’agit de penser et de mettre en œuvre la résolution des problèmes sociaux des « ayants-droit », « usagers », « habitants », « citoyens » en partie par eux-mêmes. Le congrès national de la FNARS (Fédération Nationale des Associations d’accueil et de Réadaptation Sociale) à Strasbourg en 2006 a, dans ses réflexions, donné une place importante aux « usagers » présents en nombre et a appelé, dans l’avenir, à s’associer autrement : « nous ne pouvions plus continuer à nous réunir entre nous sans la  présence des personnes concernées ! »

Ce changement de point de vue sur la participation sociale est un nouveau sursaut au regard de l’histoire : les mouvements d’éducation populaire ou les expériences de méthodes de psychiatrie « hors les murs » d’après-guerre n’étaient pas très éloignés des logiques d’empowerment. Même s’il fait l’objet d’imprécisions, tant au niveau de sa sémantique que de son utilisation dans le champ de l’action sociale, les pouvoirs publics, le mouvement associatif et les travailleurs sociaux semblent reconnaitre l’intérêt de convoquer ce terme jusqu’ici plutôt « tabou » en France. La communication du rapport « Pour une réforme radicale de la politique de la ville : Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires » en juillet 2013 officialise l’entrée, dans le discours politique et institutionnel, de la notion d’empowerment.

Longtemps cantonné au registre soit de l’utopie ou de l’outil magique censé apporter des réponses « clé en main » aux problèmes sociaux, ce terme, après traduction, est sorti de la suspicion communautariste du modèle américain en termes de participation sociale. Pour autant, son écho dans les cadrages ministériels et nationaux reste limité; la nouvelle loi « Ville et Cohésion Urbaine » du 21 février 2014 évoque finalement peu la question de l’empowerment. Localement, en septembre 2014, la municipalité d’Angers a mandaté une association d’éducation populaire angevine DRACS en partenariat avec une Maison de quartier pour « libérer la parole des habitants » d’un ilot urbain proche du centre-centre « abandonné depuis des années ». Au même moment, à l’échelle nationale, une coordination citoyenne « Pas sans nous » s’organise pour « porter les propositions du rapport  Pour une réforme radicale de la politique de la ville, développer le pouvoir d’agir des habitants, être une force d’interpellation et un contre-pouvoir » […]

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