Vers une politique de jeunesse intégrée

L’exemple de la place des jeunes femmes à Lorient

Article paru dans Idées & Territoires, revue du comité scientifique de RésO Villes, novembre 2017
Par Eric Le Grand, sociologue, Chaire de recherche sur la  jeunesse, EHESP, Rennes et
Hervé Quentel, directeur Maison pour tous, centre social Kervénanec, Lorient

En 2016, trois territoires Bretons se sont engagés dans la recherche-action « Jettt » portée par la Chaire de recherche sur la jeunesse (EHESP). Celle-ci vise en 2020, en la réalisation de politique de jeunesse intégrée. L’article analysera la question de la transversalité comme un support à cette politique à partir d’un focus sur deux quartiers politique de la ville de Lorient participant à Jettt.


Introduction

En 2015, le Commissariat général à l’investissement lance un appel à projets en vue de la formalisation de « projets innovants en faveur de la jeunesse » destiné à favoriser l’émergence de politiques de jeunesse globales et intégrées. Celles-ci doivent permettre de traiter les problématiques des jeunes de façon cohérente en évitant l’écueil d’une juxtaposition d’initiatives sectorielles non coordonnées. Dans cette optique, la Chaire de recherche sur la jeunesse de l’EHESP a réuni un groupe d’acteurs du territoire breton (professionnels de la jeunesse, décideurs, techniciens) pour proposer la mise en œuvre d’un projet destiné à répondre au mieux aux intérêts des jeunes. S’inscrivant dans une démarche de recherche-action, le projet « Jeunes en TTTrans, transversalité, transitions, transformations » (JeTTT) est financé pour 5 ans et se déroule dans 3 territoires bretons : Morlaix Communauté, Bretagne Porte de Loire Communauté (BPLC) et deux quartiers politique de la ville :  Kervénanec et Bois du Château à Lorient. Dans chacun de ces territoires, une première étape de co-construction de politique intégrée a pris la forme d’un diagnostic participatif. Celui-ci a été réalisé en 2016 en direction des jeunes, des professionnels et des décideurs afin de cerner les différentes attentes et de répondre au mieux aux défis posés par l’intégration des jeunes (accessibilité aux droits et au statut d’adulte notamment -Dulin 2012, Van de Velde 2008).

Après avoir défini le concept de politique intégrée, nous reviendrons sur les premiers enseignements issus de la démarche de recherche-action entreprise sur les quartiers de Bois du Château et de Kervénanec à Lorient, portant notamment sur la place des jeunes femmes.

Définir une politique de jeunesse intégrée

La notion de politique de jeunesse intégrée a été introduite par Lasse Siurala, directeur de la jeunesse et des sports au Conseil de l’Europe en 2005. Selon lui, la politique de jeunesse en Europe doit être désormais intégrée (intersectorielle et coordonnée) et doit s’appuyer sur des mécanismes de participation des jeunes. Ainsi, il estime que les politiques de jeunesse peuvent concerner potentiellement tous les domaines de l’action publique en lien avec les parcours des jeunes :

« Une politique publique de jeunesse devrait refléter les défis et obstacles auxquels les jeunes doivent faire face dans leur transition de l’enfance à l’âge adulte et elle devrait être basée sur les objectifs politiques et les priorités adaptées par un conseil municipal, un gouvernement central ou un organisme intergouvernemental. » (Siurala, 2005)

Dans cette perspective, l’ensemble des actions publiques (éducation, formation, emploi, sociale, santé, loisirs, logement, …) s’adressant à la jeunesse dans un territoire donné fait parti d’une politique locale de jeunesse globale et intégrée. De même, sont aussi inclues les actions portées, par les échelons de niveau inférieur ou supérieur (quartier, ville, communauté de communes, pays, département, région), par l’ensemble des services de l’État mais aussi les acteurs publics mixtes tels que la Caisse d’allocations familiales. Le recours croissant au principe de transversalité, de globalité et d’intégration inscrit dans la notion de politique de jeunesse intégrée repose sur plusieurs facteurs explicatifs. Le premier relève des caractéristiques de la population des jeunes. En l’occurrence, celle-ci n’est pas homogène et doit faire face à des difficultés sociales d’envergure. Cette population a donc des attentes variées nécessitant une hétérogénéité d’intervention publique pour répondre aux mieux à ces besoins. De fait, les politiques de jeunesse, en ce qu’elles s’adressent à une population et non à un public déterminé renvoient à des questionnements qui interpellent potentiellement tous les autres secteurs de l’action publique (Loncle 2010). Cette tendance à plus de transversalité et de globalité n’est cependant pas une « nouveauté » dans le champ des politiques publiques. En effet, et ce depuis le début des années 1980, cette dynamique transversale et globale se trouve légitimée à la fois par la multiplicité des acteurs et des niveaux territoriaux de décision incitant au développement de formes nouvelles de gouvernance et de décision et de mises en œuvre de l’action publique (Le Galès 2004). De même, la mise à l’agenda croissante des questions de jeunesse, a permis l’introduction d’une série de dispositifs partenariaux, transversaux et territoriaux destinés en partie à favoriser l’insertion sociale des jeunes. Toutefois la mise en œuvre de politiques de jeunesse intégrées s’avère complexe. Elles doivent être à la fois différenciées pour prendre en considération la multiplicité des questions de jeunesse ; plurielles en ce qu’elles sont envisagées à différents échelons sans qu’un niveau de coordination soit clairement déterminé, et suffisamment légitimées pour pouvoir agir avec et sur tous les secteurs d’action publique en direction des jeunes.

Cette « complexité » a été évoquée par les groupes d’acteurs bretons engagés dans la démarche JeTTT. Répondre à ce défi est pour eux, à la fois, le moteur de leur engagement au sein du projet, mais aussi un cadre structurant dans le développement de leur programme d’actions afin de dépasser une approche sectorisée de la jeunesse et tendre vers plus de transversalité. S’il est difficile ici de présager les contours et formes des politiques intégrées qui émergeront d’ici 4 ans de la recherche-action JeTTT, nous pouvons déjà constater des effets et des questions que posent la mise en œuvre de la transversalité […]

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Crédit photo : Ville de Lorient

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