Tribune | Loi de programmation pluriannuelle de la recherche

La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) devait être présentée en conseil des ministres. Certaines de ses dispositions vont appeler des arbitrages et donner lieu à des débats publics et au Parlement.

Toutefois, il manque un pan essentiel dans le texte actuel : la reconnaissance et un soutien clair au développement des recherches citoyennes et participatives.

Leur importance est avérée dans les sciences du climat, en sciences de l’environnement et de la biodiversité, dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la mathématique distribuée, la recherche en éducation, l’intelligence artificielle et dans le domaine de la santé.

Elle est attestée par l’action de milliers d’associations, de coopératives, de TPE et PME au sein du tiers-secteur de la recherche, tels ATD Quart-monde, Résolis, Tetris, So Science, Téla Botanica, Jogl, la Fabrique des territoires innovants, B & L Evolution, Inversons la classe, l’Hôtel Pasteur, Eqosphere, des centaines d’associations de patients, l’Assemblée virtuelle et bien d’autres. Mais la plupart du temps,ces collaborations avec nos établissements publics et universitaires s’effectuent sans aucun appui.

Ces orientations font consensus et ne coûtent presque rien. Tout le monde en convient. Rien ne s’oppose donc à enrichir le texte, avant son passage en conseil des ministres, d’un chapitre concis d’« ouverture du système français de recherche et d’innovation à la société ». Il pourrait promouvoir les recherches ouvertes, participatives, interventionnelles, citoyennes dans lesquelles une part de plus en plus grande de nos chercheurs trouve un souffle nouveau dans leur carrière.

Milliers d’emplois

Il élargirait les perspectives de milliers d’emplois scientifiques dans le pays. Il valoriserait une vision enrichie de l’innovation qui connaît depuis une dizaine d’années un élargissement dans ses processus (innovation distribuée, ascendante, interactive…) et dans ses objectifs (innovation sociale,durable, responsable, frugale…). Il réconcilierait pertinence et excellence de la recherche, comme l’a prouvé le dossier d’octobre 2018 de la revue scientifique de référence Nature.

Il serait dommageable d’oublier cet enjeu car il est aussi d’ordre démocratique : dans une démocratie active et équilibrée, il importe que les citoyens soient associés au développement de la recherche ; il ne suffit pas de les informer de façon descendante. Le contexte hexagonal est favorable :contrairement aux idées reçues, depuis cinquante ans, la recherche bénéficie d’un taux de confiance inégalé en France, oscillant autour de 80 %. Cette confiance doit inspirer le texte. Or, il réduit la société soit aux entreprises marchandes (qui auraient le monopole de la création de richesses et de valeurs) soit aux tenants des penchants irrationnels et aux « fake news ».

Les coopérations de recherches citoyennes, participatives et ouvertes illustrent un pacte renouvelé entre toute la société française et le pôle public d’enseignement supérieur et de recherche (Inrae,Cirad, Muséum national d’histoire naturelle, IRD, Ifremer, etc.). Un système de recherche solide et clairvoyant s’appuie sur une large diversité épistémique, celle des questions posées, des problématiques, des hypothèses, des méthodologies et des parties prenantes.

En matière de recherche, l’ouverture est une force, sans laisser personne de côté, en reconnaissant l’égale dignité de tous les contributeurs. Lire aussi |Loi de programmation pluriannuelle de la recherche : « Ne cédons pas aux manœuvres de l’exécutif »La valeur publique des sciences et de la recherche repose aujourd’hui moins que demain sur un système de production de connaissances qui affronte avec lucidité le mal-développement actuel. Or,sur quelle politique publique un gouvernement et une nation peuvent-ils mieux s’appuyer pour allier temps long et temps court sinon celle de la recherche ? A l’heure de l’après Covid-19 où notre pays a su faire montre de réactivité et d’inventivité, ces évolutions sont plus impérieuses et nécessaires que jamais.

Premiers signataires : Madeleine Akrich, coprésidente d’Alliss ; François Baudier, président de Fédération nationale d’éducation et de promotion dela santé ; François Bottollier-Depois, PDG de la Fabrique des territoires innovants ; Dominique Bourg, philosophe, professeur honoraire del’université de Lausanne ; François Bouvier, ancien délégué régional à la recherche et à la technologie ; François Cathelineau, directeur des études de l’agence Phare ; Laurent Chambaud, directeur de l’EHESP ; Rachid Cherfaoui, président de l’Institut Godin ; Bernard Chevassus-au-Louis,ancien directeur général de l’INRA, président d’Humanité et Biodiversité ; Denis Couvet, professeur au Muséum national d’histoire naturelle ; Gwenola Drillet, membre du collectif de l’Hôtel Pasteur ; Héloïse Dufour, directrice Cercle FSER ; Véronique Fayet, présidente du Secours catholique ;Geneviève Fontaine, coordinatrice du centre de recherche Tetris, jeune entreprise universitaire ; Jacques Glowinski, administrateur honoraire du Collège de France ; Pierre-Henri Gouyon, professeur au Muséum national d’histoire naturelle ; Noémie de Grenier, directrice de Coopaname ;Bertrand Hervieu, membre de l’académie de l’agriculture, ancien PDG de l’Inra ; Jean Jouzel, climatologue, membre de l’académie des sciences ;Philippe Kourilsky, biologiste, professeur émérite au Collège de France ;Bruno Latour, sociologue ; Lionel Larqué, président de La Paillasse ; YvesLe Bars, président du CFSI ; Haud le Guen, directrice de Réso Solidaire ;Patrick Lévy, ancien président de l’université Grenoble Alpes, coordinateurIdex ; Daniel Mathieu, président Téla Botanica ; Mélanie Marcel, directrice de So Science ; Carlo Ossola, historien, professeur au Collège de France ; CollectifAlain Pavé, membre de l’académie des technologies ; Gérard Raymond,président de France Assos Santé ; Emmanuel Rush, président de la Société française de santé publique ; Jérôme Saddier, président d’ESS France ; Mathieu Schneider, vice-président de l’université de Strasbourg ; ClaudeTran, président d’Inversons la classe ; Romain Troublé, directeur de la Fondation Tara Océan ; Colomban de Vargas, directeur de recherche CNRS,Plankton Planet ; Eric Vindimian, membre de l’Autorité environnementale,coprésident d’Alliss.

Une erreur est survenue lors de la récupération des informations de l'évènement