Portraits de seniors. Sylviane MORVANT, une fée dans le quartier | Auray

Bénévole dans l’association Le Lieu-Dit et le Conseil Citoyen — Quartier Gumenen — AURAY

Avec ses couleurs délicates et son éternelle fleur dans les cheveux, Sylviane conjure la morosité de la vie. À sa manière, elle tisse et tricote du lien entre les habitant.es de son quartier, avec les associations Le Lieu-Dit et le Conseil Citoyen. Un enchantement, pour que chaque jour ressemble à un nouveau printemps !

Nom : MORVANT
Prénom : Sylviane
Âge : j’ai 37 ans (à l’envers !).
Signes distinctifs : Ma barrette fleurie. Personne d’autre n’en porte. C’est de la gaieté.
Engagements et projets : Je m’implique au Lieu-Dit depuis le début, et au Conseil Citoyen pour faire vivre le quartier et écouter les gens.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis une enfant de l’après-guerre, née en 1949. On n’avait pas beaucoup d’argent. Je rappelle souvent à mes petits-enfants qu’un petit-suisse, pour moi, c’était un luxe. On en mangeait seulement le dimanche. Dès l’âge de 9 ans, j’ai su que ma vie ne serait plus la même, lorsque mon père est décédé. J’ai perdu beaucoup en le perdant. Il était pacifique, calme. Avec ma mère, il fallait réussir dans la vie. Elle nous mettait la pression. J’ai grandi dans le Nord, en bordure de mer, à Dunkerque. Je devais m’occuper de mon petit frère puis ma mère m’a mis en pension à 100 kilomètres d’elle. Ce fut très douloureux.

« Je me suis débrouillée toute seule, sans personne. »

Ensuite, je suis partie à Paris. Je travaillais comme standardiste-réceptionniste dans une grande pharmacie. Je me suis débrouillée toute seule, sans personne. J’ai rencontré mon mari à l’hôpital, où il travaillait. Nous nous sommes mariés au bout de quelques années. Je n’étais pas trop pour le mariage. Je me disais : « Pourvu que je sois heureuse ». Ça a très bien fonctionné. On a été heureux, mais il avait une maladie et malheureusement, il est décédé. Ça fait 25 ans, mais c’est comme si c’était hier. C’est une telle blessure. Je me suis retrouvée seule avec les enfants. Il a fallu que je travaille. J’ai dû vendre la maison que nous avions à Mériadec. Elle n’était pas finie de payer. Mon mari était originaire de Plumergat et il avait souhaité se rapprocher. J’ai perdu deux bébés. J’ai un fils, Frédéric, et une fille, Assia et six petits-enfants dont l’aîné a 22 ans et le petit dernier 4 ans. Je les adore. Ils viennent souvent à la maison.

Quelle vision avez-vous de votre quartier et de son évolution au cours des années ?

Je suis arrivée ici en mai 2015. Ce n’était que des marécages tout autour. Ils s’apprêtaient à démonter des immeubles, cela m’a fait un choc. Je me suis demandé : « Où les gens vont-ils aller ? ». Il y avait des travaux 24h sur 24. Jamais je n’aurais pensé que le Gumenen puisse devenir beau comme aujourd’hui. J’ai vu le quartier s’embellir. J’ai commencé à venir au Conseil Citoyen. Il y avait de beaux projets, de belles choses réalisées. Des fêtes, des bals. Puis nous avons dû tout stopper avec le Covid. C’était triste. Mais dernièrement, tout le monde a mis son cœur pour organiser la fête des voisins. Ils l’ont appelée « La fête des Zinzins » ! J’ai trouvé qu’il y avait du monde. Beaucoup d’étrangers sont venus, alors qu’on ne pensait pas qu’ils oseraient, comme ils ne parlent pas trop français. C’est une réussite. Les gens amenaient leur repas et partageaient avec tout le monde, c’était beau. J’ai dit à François-Xavier en charge de la Politique de la Ville : « Tu vois, on a gagné une bataille ! ».

Comment vous situez-vous dans le quartier ?

J’ai surmonté les deuils grâce au contact avec les gens. Il fallait que j’avance. Je me suis toujours dit qu’au moment de la retraite, j’apporterais de l’aide aux gens. Je ne veux pas rester à la maison à attendre ma mort ! Alors je montre aux gens mon savoir-faire en tricot, crochet, et pompons. Je suis très manuelle. Je me sens à ma place, ici, au Gumenen. Cela fera 6 ans que je participe à l’association le Lieu-Dit pour faire vivre le quartier et écouter les gens, accueillir les nouveaux arrivants qui se sentent isolés, les personnes étrangères. On partage un petit café, un gâteau. Nous sommes avec l’association l’Amisep, le mardi pour les personnes en situation de handicap. Le lundi et le jeudi, nous sommes occupés, au local politique de la Ville. J’aime venir ici voir comment tout le monde va, et discuter. Ce sont des personnes à l’écoute qui vont au fond des choses. Je suis aussi engagée au Conseil Citoyen. J’aime bien quand on réalise des projets, ça m’apporte énormément. On a fait beaucoup, pour décorer les lampadaires, les routes, les poteaux…

« Je me suis toujours dit qu’au moment de la retraite, j’apporterais de l’aide aux gens. Je ne veux pas rester à la maison à attendre ma mort ! »

Ce qui est bien, aussi, c’est l’épicerie que Francky a ouverte dans le quartier, en avril. J’y fais des petites courses de dépannage. Je bouge tout le temps. Je ne pourrais pas rester chez moi, j’ai besoin d’avoir du contact. Sinon, je deviendrais folle ! Il y a un joli endroit dans le quartier, près de Montfort, avec la forêt, le petit pont, le chemin. J’ai l’impression de m’évader hors du Gumenen. On y a tourné un film. Ça m’a plu. J’ai connu ce lieu grâce à Adeline, de l’association Vidéographie. C’est une personne importante pour moi, comme Catherine, Julie, Alicia, qui sont au local de la Politique de la Ville et Josiane de l’association le Lieu-Dit. C’est de là que naissent des amitiés et des liens forts.

Quel serait votre rêve pour vous et votre quartier ?

Il n’y a pas longtemps, nous avons organisé un repas partagé au Lieu-Dit, avec Josiane. Je n’étais pas vraiment en forme, mais j’ai participé quand même. C’était la joie, pour moi, de voir tout le monde. On était plus de 50 personnes ! J’aime les grandes familles, cela me rappelle les grandes tablées familiales, quand j’étais jeune, dans le Nord. On préparait des frites tous ensemble, qu’on cuisait dans un grand chaudron. Tout le monde mettait la main à la pâte, même les enfants ! Si j’avais une baguette magique, je voudrais que tout le monde soit heureux. Je me rends compte qu’avec le Covid, les gens sont plus taciturnes et assez agressifs à force de rester chez eux. Alors, les fêtes et les rencontres, c’est la vie !

« Si j’avais une baguette magique, je voudrais que tout le monde soit heureux. »

J’aime beaucoup les jeunes. Dans le quartier, j’en connais un qui se drogue. Il faut savoir lui parler, ne pas être agressif. Je lui ai dit : « Tu veux prendre un café ? On ne se connait pas, moi c’est Sylviane et toi c’est comment ? ». Depuis, on se dit bonjour. Je pense que ce n’est pas la peine de dire aux jeunes : « ne te drogue pas ». Je leur explique simplement que c’est dommage de se détruire la santé comme cela. J’ai l’habitude des jeunes. Quand mes enfants grandissaient, ils amenaient leurs copains. Et maintenant, je garde mes petits-enfants. J’ai toujours vécu avec des jeunes qui m’ont respecté et écouté mes conseils.

Propos recueillis par Marie Fidel