Forum Cités Cap’ : Inventons les quartiers de demain ! 5 juin 2018 à Rennes

Le 5 juin 2018, plus de 600 personnes ont participé à la deuxième édition du forum Cités Cap’ au Couvent des Jacobins à Rennes. Au programme : conférences, ateliers et réseau autour du développement économique pour dessiner ensemble les perspectives des quartiers de demain.



Le Couvent des Jacobins à Rennes. On ne pouvait rêver mieux pour accueillir la deuxième édition de Cités Cap’, forum dédié au développement économique dans les quartiers de la politique de la ville. Désormais centre des congrès, pensé dans le réaménagement du cœur de ville, il symbolise la reconversion d’un lieu non valorisé et caché du public en espace incontournable pour les rencontres professionnelles en Bretagne.

Pour faire écho, 600 participants – institutionnels, associations, citoyens, entrepreneurs, entreprises et une quarantaine de jeunes venus avec EPA Bretagne – ont échangé durant une journée sur le développement économique dans les quartiers prioritaires et les opportunités attendues, notamment dans un contexte d’accélération du nouveau programme de renouvellement urbain.

Quand on a commencé à travailler sur le contrat de ville et ses 3 grands thèmes qui sont la cohésion sociale, le renouvellement urbain et le développement économique, ResO Villes s’est emparé de ce dernier sujet car il était peu traité. Nous avons fait une veille sur ANRU 1 en 2014-2015 : il existe plein de connexions entre renouvellement urbain et développement économique. Souvent ça fonctionne plutôt bien. Il faut créer un lieu pour en discuter.

Isabelle Melscoet, présidente de ResO Villes.

Penser « global » et mélanger les genres

L’anniversaire des 40 ans de Politique de la Ville, qui coïncide avec la préparation de la feuille de route pour le quinquennat, a été marqué par un temps de rétrospective, de bilan et la volonté de valoriser les initiatives locales avec la création d’un label « 40 ans de la politique de la ville – Inventons les territoires de demain ».

Nous allons adopter une nouvelle méthode : associer les parties prenantes. Dans cet esprit, nous allons proposer des pactes avec les associations, les entreprises pour des engagements, concrets et mesurables.

Sébastien Jallet, commissaire général délégué à l’égalité des territoires, et directeur de la Ville et de la Cohésion urbaine du CGET.

Sur la question du développement économique, les institutionnels représentés par Nathalie Appéré (Ville de Rennes), Emmanuel Couet (Rennes Métropole), Emmanuelle Rousset (Département d’Ille-et-Vilaine) et Laurence Fortin (Région Bretagne) ont insisté sur la nécessité de ne pas opposer les territoires les uns aux autres.

Nous refusons la spécialisation sur le plan économique, de sorte à ne jamais dépendre d’un type d’activité. Et nous refusons la spécialisation spatiale. Partout dans la métropole rennaise, y compris dans les quartiers, nous devons pouvoir accueillir des activités diverses et les mixer avec d’autres fonctions : de l’habitat et des équipements publics. Ce modèle équilibré fait la patte de Rennes qui offre le visage d’une métropole sans banlieues.

Emmanuel Couet, président de Rennes Métropole.

Les quartiers avec leurs ambitions participent au rayonnement régional et peuvent s’emparer de sujets globaux tels que la transition numérique, énergétique et démocratique en expérimentant des solutions innovantes.

La politique de la ville doit donc se penser au-delà de l’échelle des quartiers, comme l’a rappelé Nathalie Appéré, maire de Rennes, dans une logique de cohésion sociale et de lutte contre les inégalités :

La politique de la ville n’est pas une politique mais une intention dans l’ensemble des politiques publiques pour lutter contre les inégalités sociales et spatiales. A ce titre-là, c’est une volonté d’amplification et d’innovation.

Connaître les besoins d’un territoire grâce au numérique

Pour mener à bien des diagnostics, aider à construire des politiques transversales et soutenir des projets innovants, le numérique présente de nombreux atouts mais reste un outil au service d’organisations et d’objectifs comme l’a souligné Luc Belot, expert Smart City et auteur du rapport De la smart city au territoire d’intelligence(s) :

C’est assez confortable de parler de Smart City mais je préfère parler d’intelligences au pluriel. L’idée c’est de faire vivre les intelligences d’un territoire où qu’elles soient : du coté des élus, des associations ou des habitants (…) La transversalité n’est pas facile aujourd’hui quand on a des territoires pris dans des silos, des verticalités que l’on retrouve dans la plupart des politiques publiques et des administrations.

Tout projet, pour faire sens, doit partir des usages et des besoins des habitants : le numérique permet de les appréhender.

Outre les concertations citoyennes – on peut citer le projet Breizh Cop ou les budgets participatifs à Rennes – l’exploitation du Big Data permet d’obtenir des analyses d’une extrême finesse. Et les résultats peuvent surprendre ! Lors d’un atelier dédié à cette thématique, Romain Pedron de Linkfluence a réalisé une démonstration de ce qu’il est possible de faire, d’un point de vue qualitatif, avec un échantillon de 5000 conversations issues du web social sur le périmètre de Maurepas / Villejean / Cleunay.

Si on sait trier les données, on obtient des infos très intéressantes sur la vie des gens et très différentes des bases statistiques habituelles. Ce complément permet de dépasser les clichés visibles qui ne représentent que 5 à 10 % du web, a-t-il souligné.

Patrick Vanoli, responsable du produit Smart Data chez Randstad a quant à lui expliqué comment des données provenant de millions de CV, de bases de données externes et de l’open data ont été modélisées. L’outil Smart Data permet entre autre de faire coïncider l’offre et la demande sur le marché de l’emploi, et d’apporter des prédictions aux entreprises qui souhaiteraient s’implanter dans un quartier.

L’atelier Big data

Penser local et développer l’économie de proximité

Le besoin urgent d’apporter des réponses en matière d’emploi dans les quartiers, dont les taux de chômage sont compris entre 20 et 30%, a été exprimé tout au long de la journée par des citoyen.ne.s ou représentant.e.s d’association.

Si la question de l’emploi dépasse l’échelle des quartiers avec des logiques de mobilité, de formation et de diversité à l’embauche, des leviers ont été évoqués pour créer de l’emploi localement.

L’économie de proximité, qui a fait l’objet d’un livre blanc en Pays de la Loire, se définit à l’aide de 4 concepts-clés :

  • la relation directe en BtoB ou BtoC
  • l’économie présentielle (fourniture de biens et de services destinée aux habitants du territoire) et l’économie productive qui profite au territoire
  • la plus-value générée ou développement local
  • la confiance.

Les grandes entreprises : du déménagement à l’aménagement

Le déménagement d’une entreprise dans un quartier présente une force de frappe immédiate : opportunités d’embauche, dès lors qu’une politique de recrutement tournée vers le quartier est mise en place, et développement de services de proximité (restauration, conciergerie, loisirs, fournitures de biens, etc.) qui peuvent trouver un débouché auprès des collaborateurs ou du service achats de l’entreprise.

Beaucoup d’entreprises font appel à nous dans le cadre de leur déménagement en banlieues. S’ils veulent que leurs collaborateurs aient envie de venir au travail, il faut qu’il y ait des services aux alentours (…) Quand on est une grande entreprise qui s’installe à la Plaine Saint-Denis, on a les moyens d’investir dans le développement et l’aménagement de la ville. Mais il faut le faire dans des logiques de co-construction et avec les commerces de proximité, a précisé Siham Hadjam, CEO Cyconia

De l’existant à  l’innovation

S’il est important de se soucier du maintien des activités déjà existantes, par des dispositifs de transmission, l’économie de proximité offre un champ d’expérimentation et d’innovation sociale considérable.

Des projets innovants ont ainsi été présentés tels qu’Au Bon Maurepas à Rennes, soutenu par la politique de la ville et la ligne ESS du département et accompagné par le TAg 35 ou la création d’un incubateur de micro-fermes par l’association Optim-ism dans le quartier Bois du Château à Lorient. Leur présentation est à retrouver dans la publication Le développement économique des quartiers.

L’économie locale doit aussi s’inscrire dans une réflexion étroitement liée au foncier, comme l’a souligné Emmanuelle Rousset, présidente déléguée à la politique de la ville, à l’économie sociale et solidaire et au développement social local au département d’Ille-et-Vilaine :

Là où on coince pour la création d’une coopérative de territoire, ce n’est pas tant sur le financement mais sur la question d’un lieu à Maurepas… Les loyers sont trop chers. On cherche 200 m2 pour des projets à vocation sociale.

Mesurer les impacts

Le tissu de l’économie des quartiers étant composé de TPE-PME, d’associations, de coopératives, la création d’emploi est plus dispersée, le temps de développement plus long et les emplois plus précaires.

Les impacts sont donc moins visibles. C’est pourquoi, il est très important de mettre en place dès le départ une mesure d’impact avec des indicateurs, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une initiative innovante, ayant recours à un modèle hybride (contrats d’insertion, salariat, bénévolat etc.).

On travaille avec un cabinet expert pour mettre en place cette mesure d’impact. Ce sont des données qu’on va pouvoir relayer auprès de tous nos partenaires et pas seulement des institutions : investisseurs, financiers, clients etc. Pour essaimer à Lyon ou à Paris, il nous a fallu tout recommencer, convaincre la DIRECCTE avec des chiffres…

Sylvain Lepainteur, fondateur de la Conciergerie Solidaire à Bordeaux.

Une bonne pratique qui vaut tout autant pour les grandes entreprises, dans un contexte où la Responsabilité Sociétale des Entreprises est de plus en plus questionnée.

Remise des prix

Et c’est sur la récompense d’initiatives innovantes en faveur du développement économique des quartiers – prix remis par RésO Villes et ses partenaires BNP-Paribas, Harmonie Mutuelle, Caisse des Dépôts, Véolia, la Région Bretagne et Rennes Métropole – que s’est clôturée cette deuxième édition de Cités Cap, dont l’engouement annonce une suite certaine. Rendez-vous l’année prochaine !

Voir aussi : le retour en images

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Article rédigé par Laura Wujek
Mis en ligne le 4 juillet 2018