Une prise de position commune des usagers, bénévoles, salariés et administrateurs des centres sociaux rennais
L’Association Rennaise des Centres Sociaux (l’ARCS) a pour mission d’accompagner les projets des six centres sociaux rennais. Pendant 2 ans, l’ARCS a conduit un chantier visant à aboutir à une prise de position commune sur l’application du principe de laïcité, et ce en mobilisant étroitement l’ensemble des acteurs concernés : habitants, professionnels, bénévoles et administrateurs.
Une démarche présentée par Amélie Trappler, Directrice de l’ARCS , et Jean Luc Masson, co-président de l’ARCS.
En bref
Porteurs du projet : Association Rennaise des Centres Sociaux
Partenaires : accompagnement réalisé par l’Association ENQUETE, avec la participation de 5 partenaires institutionnels (Comité Consultatif Laïcité de la Ville de Rennes, Caisse d’Allocations Familiales), cultuels (Centre culturel Avicenne et Maison diocésaine de Rennes) et laïque (Ligue de l’Enseignement 35).
Contact : Amélie Trappler : arcs@assoarcs.com
Genèse de la démarche
« Jusqu’où aller pour favoriser la mixité, tout en restant indépendant vis-à-vis des conceptions religieuses ou partisanes ? Comment faire lors d’un atelier cuisine pour accueillir tous les publics en tenant compte des pratiques alimentaires en lien avec les religions ? » s’interroge l’équipe du Centre Social de Maurepas, dans le cadre de sa démarche de renouvellement de projet social en 2014.
Pour y répondre, l’Association Rennaise des Centres Sociaux a décidé de se saisir de ce questionnement pour proposer à l’ensemble des 6 centres sociaux rennais un travail visant à aboutir à une prise de position commune.
Afin de partager l’ensemble de la réflexion avec les principaux concernés que sont les habitants, les bénévoles et les salariés des Centres Sociaux, l’ARCS a très rapidement pressentie que cette recherche de positionnement allait nécessiter :
– de prendre le temps ;
– de trouver une méthode pragmatique en s’inspirant de situations vécues et concrètes ;
– de construire un cadre de réflexion sécurisant pour chacun permettant une liberté de ton des différents acteurs ;
– de solliciter un accompagnement extérieur et compétent dans la connaissance du fait religieux et de la laïcité.
En définitive, il s’agissait de construire les meilleures conditions pour vivre une démarche collective et pédagogique inscrite dans le temps.
Un cheminement progressif
Tout au long de la période 2014-2016, la Commission Vie Associative de I’ARCS, composée d’habitants administrateurs des six Centres Sociaux, s’est saisie de cette question. Deux ressources ont été particulièrement structurantes dans le cadre de ce cheminement :
- Les travaux de la Commission d’éthique de la Fédération des Centres Sociaux de France
- L’accompagnement de l’association Enquête, spécialisée dans les démarches pédagogiques liées à la laïcité et au fait religieux.
Pour résumer en quelques chiffres, ce vaste chantier aura représenté pour l’ARCS :
– 14 rencontres de 2 heures accompagnées par l’Association Enquête
– Mobilisation de plus de 250 personnes : 7 équipes salariées et 7 collectif d’animation composées habitants et de bénévoles
– L’organisation d’une journée de réflexion et de confrontation qui a réuni plus d’une centaine de personne. bénévoles et professionnels avec la participation de 5 partenaires institutionnels : comité consultatif Laïcité de la ville de Rennes, Caisse d’Allocations familiales, Centre cultuel et culturel Avicenne et Maison diocésaine de Rennes et la Ligue de l’Enseignement.
– In fine : des débats productifs au sein du conseil d’administration et de l’Assemblée générale, avec une prise de position argumentée et en prise directe avec la réalité de la vie des Centres Sociaux.
L’ensemble des réflexions, débats, démarches ont ensuite été capitalisées par l’ARCS, et ont permis d’élaborer un référentiel partagé autour de l’application du principe de laïcité. En application de sa prise de position, voici les réponses que l’ARCS apporte aux cas concrets et fictifs présentés ci-dessous :
Les sorties culturelles
Une sortie à Paris va être organisée à l’initiative des habitants du quartier. Certain(e)s habitant(e)s en charge de l’organisation du programme de la journée avec l’animatrice du Centre Social proposent la visite d’un lieu de culte emblématique. Certain(e)s habitant(e)s refusent catégoriquement cette suggestion selon le principe de laïcité.
Réponses de l’ARCS : Maintenir la sortie au nom de l’ouverture culturelle et de la connaissance des lieux cultuels. Toute religion est digne et mérite d’être connue. Cela peut participer à la connaissance de l’autre. Il est possible de prévoir un temps libre pour les personnes non intéressées, voire de proposer une autre activité au choix.
Les pratiques alimentaires
Un mini-camp pour les enfants se prépare au Centre Social. Des familles du quartier ne se sentent pas concernées car un seul menu est proposé et la viande utilisée ne comporte pas la mention « cacher ».
Réponses de l’ARCS : Tenir compte des pratiques culturelles ou religieuses des participants dans le cadre de l’élaboration des repas, en faisant attention à ne pas mettre d’ingrédients interdits.
Le port de signes religieux ou idéologiques visibles chez les acteurs du Centre Social
– Une bénévole de l’accompagnement à la scolarité porte une croix en pendentif et accompagne un enfant dont les parents s’apprêtent à le retirer de l’activité car ils ne partagent pas la même religion que la bénévole.
– Une salariée du Centre Social de Maurepas porte un voile sur son temps de travail. Plusieurs familles du quartier refusent de lui confier la garde de leurs enfants et ne fréquentent plus le Centre Social.
Réponses de l’ARCS : Les bénévoles et les salarié(e)s peuvent porter des signes religieux en conformité avec les lois et les règlements. Pour répondre aux deux cas concrets, il s’agit d’entamer un dialogue avec les différentes personnes concernées dont les enfants, qui peut être l’occasion de faire connaître à chacun le sens des signes ou pratiques religieuses.
Application concrète de la prise de position de l’ARCS avec les parents et les enfants
Les enfants du Centre de Loisirs, La Passerelle (enfants de 9 – 12 ans) et leurs parents du quartier de Maurepas, ont développé pendant 6 mois un projet sur le thème de la Laïcité intitulé « Moi …et les Autres ».
Ce projet avait pour objectif de faire découvrir aux enfants les différentes cultures et religions à travers le jeu, en visitant des lieux de cultes et en organisant des temps d’échanges pour favoriser le vivre ensemble.
L’aboutissement de ce projet a été la réalisation d’un grand jeu sur le thème de la Laïcité, pour les familles, à Dinard. L’Association Enquête, spécialisée sur les questions de laïcité, a formé les équipes d’animation sur ce thème riche, mais complexe. La Maison des Squares, a également développé un projet sur ce thème avec les familles du Blosne et c’est logiquement que l’ARCS s’est impliquée sur cette sortie à Dinard.
De la nécessité de s’approprier collectivement la laïcité
En définitive, outre l’élaboration de principes guide pour la gestion de la laïcité au quotidien, cette démarche a permis aux centres sociaux rennais :
- d’être plus clair et précis dans l’affichage et l’explication de leurs valeurs (dignité humaine, solidarité et débat démocratique) et de leurs missions (accueil de tous et participations des habitants ;
- de vérifier la nécessité de toujours privilégier le dialogue, la préparation collective, l’explication/communication/concertation autour des projets en amont, et toujours privilégier la médiation en cas de divergence de vue ;
- de renforcer le souci permanent de coller aux situations des personnes accompagnées par les centres sociaux ;
- et enfin, d’affirmer le refus que les religions s’imposent au détriment de l’intérêt général, et le rejet du prosélytisme au sein des Centres Sociaux.
Cette action a été présentée dans le cadre de la Journée Quelle(s) pédagogie(s) pour la laïcité ? organisée au Centre social Carrefour 18, le 13 octobre à Rennes
Fiche mise à jour le 9 novembre 2016